Les puissances occidentales et la Ligue arabe se heurtent à l'intransigeance de la Russie qui a prévenu qu'elle mettrait son veto à toute résolution de l'ONU pour mettre fin aux violences en Syrie qui ont fait mercredi au moins 59 morts.

«Nous n'autoriserons aucun texte que nous considèrerons comme erroné et qui conduirait à une aggravation du conflit. Nous ne permettrons pas son adoption», a affirmé l'ambassadeur russe à l'ONU, Vitali Tchourkine, selon les agences de presse russes.

Cependant, le chef de la diplomatie française, Alain Juppé, a dit mercredi avoir noté, «pour la première fois», l'attitude «moins négative de la Russie» au cours de la réunion la veille à New York du Conseil de sécurité, laissant entrevoir un espoir d'adopter une résolution soutenant le plan de sortie de crise de la Ligue arabe.

Il a précisé qu'il y aurait «peut-être un vote dans le courant de la semaine prochaine» au Conseil de sécurité sur ce projet de résolution.

La secrétaire d'État américaine Hillary Clinton a elle appelé «chaque membre du Conseil de sécurité de l'ONU à choisir son camp» en Syrie, entre celui du «peuple syrien» et celui «d'une dictature brutale».

Les ambassadeurs des 15 pays membres du Conseil de sécurité ont fait «quelques progrès» mercredi au cours d'une réunion de près de trois heures, ont indiqué des diplomates.

«Nous avons fait quelques progrès aujourd'hui», a déclaré à la presse l'amabassadeur britannique Mark Lyall Grant. «Il y a (au sein du Conseil) le désir d'obtenir un texte qui puisse être adopté dans les prochains jours», a-t-il estimé, ajoutant cependant: «nous n'en sommes pas encore là».

A la réunion mardi, les États-Unis, la France et la Grande-Bretagne ont plaidé pour une adoption d'un texte qui reprend un plan arabe appelant au départ du président Bachar al-Assad et à des élections libres.

Mais, en dépit de la recrudescence des violences qui ont fait au moins 400 morts en une semaine et des pressions qui s'intensifient sur Damas, le régime syrien, et son allié russe, restent sourds aux appels.

Selon les analystes, la crise en Syrie s'est muée en conflit armé entre une «guérilla» forte de milliers de déserteurs et un régime déterminé à mater la révolte, éclipsant les images des manifestations pacifiques des premiers mois de la contestation.

D'après les militants, la campagne de répression est la plus violente depuis le début de la révolte en mars 2011. Au moins 59 personnes, dont 38 civils, sont mortes mercredi, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).

Le bilan le plus lourd a été établi dans la province de Damas, avec 24 civils tués, dont une enfant de trois ans, par des tirs des forces de l'ordre. Quinze soldats ont péri à Homs (centre) dans des combats avec des déserteurs, dont six ont été tués près de la capitale, selon l'OSDH.

Les combats entre armée et dissidents font rage dans les provinces d'Idleb, d'Homs et de Damas. L'Armée syrienne libre (ASL), fer de lance de «l'opposition armée», ose depuis quelques jours des attaques aux portes de Damas.

L'OSDH a fait par ailleurs état d'une cinquantaine de défections pour la seule journée de mercredi.

Le ministre français Alain Juppé a dressé un bilan de la répression depuis le début de la crise. «6000 morts aujourd'hui, selon l'Unicef 384 enfants massacrés par le régime, 15 000 prisonniers, 15 000 réfugiés», a-t-il dit.

L'OSDH évalue se son côté à au moins 6680 personnes, dont 4755 civils, le nombre des morts depuis le début de la révolte en mars 2011.

Catherine Ashton, le chef de la diplomatie de l'UE, a exhorté les membres du Conseil de sécurité à «agir sans plus tarder» pour mettre fin aux violences.

«Je suis horrifiée par la situation en Syrie, où le régime poursuit son impitoyable et scandaleuse campagne de répression contre le peuple syrien», a-t-elle affirmé dans un communiqué.

Le Premier ministre du Qatar, Hamed ben Jassem al-Thani, avait demandé mardi à l'ONU d'agir pour stopper la «machine à tuer» du régime syrien et mettre fin à une «tragédie humanitaire».

Les ministres arabes des Affaires étrangères doivent se réunir le 11 février au Caire pour examiner l'avenir de la mission d'observation de la Ligue en Syrie, suspendue le 28 janvier en raison de la poursuite des violences, a annoncé un responsable de cette organisation. Cette réunion était initialement prévue pour le 5 février.

Du côté des militants, la frustration se fait de plus en plus sentir.

«Depuis des mois, le peuple syrien fait face pacifiquement à un régime des plus violents dans la région, et jusqu'à ce jour le monde arabe et les Occidentaux sont incapables de prendre une décision qui contribue à faire cesser la spirale de violence», ont écrit les Comités locaux de coordination (LCC) qui organisent la mobilisation sur le terrain.

L'opposition syrienne a appelé à manifester massivement les deux prochains jours dans l'ensemble du pays pour marquer le 30e anniversaire du massacre de Hama commis par le régime en 1982 et qui avait fait des dizaines de milliers de morts.