Le régime de Bachar al-Assad a persisté jeudi dans la répression meurtrière de la contestation en Syrie malgré un ultimatum des Arabes, mais son allié russe a accusé l'opposition syrienne de pousser le pays à la guerre civile.

Au lendemain d'une attaque de soldats dissidents d'un centre des services secrets près de Damas, présentée comme la première du genre en huit mois de révolte, des déserteurs ont tiré des roquettes RPG sur un siège du parti au pouvoir à Idleb (nord-ouest), selon des ONG syriennes.

«Bien sûr que si l'opposition a recours à de telles méthodes, cela conduira (...) à une véritable guerre civile», a lancé le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov, interrogé sur les attaques des déserteurs de plus en plus audacieuses, en rejetant de nouveau toute ingérence étrangère en Syrie.

La Russie a ainsi creusé davantage le fossé avec l'Europe et les États-Unis sur le dossier syrien. Les États-Unis ont contesté «l'évaluation erronée» de M. Lavrov, refusant de parler de guerre civile et rappelant la «campagne de répression (...) contre des manifestants innocents» menée par le régime.

La chef de la diplomatie européenne, Catherine Ashton, a aussi insisté sur la responsabilité du régime dans les violences en répétant qu'il était «temps pour le président Assad de démissionner».

Comme chaque semaine, les opposants au régime ont appelé à une nouvelle journée de manifestations vendredi, intitulée «Vendredi de l'expulsion des ambassadeurs», en référence aux responsables du gouvernement qu'ils qualifient d'«ambassadeurs du crime» et au fait que des partisans du président Bachar al-Assad ont multiplié les violences contre des ambassades ces derniers jours.

Parallèlement, les forces de l'ordre ont continué les opérations de ratissage et les perquisitions, faisant au moins huit morts, dont deux enfants, selon l'Observatoire syrien de défense des droits de l'Homme (OSDH) et les Comités locaux de coordination (LCC), qui chapeautent les contestataires.

À Idleb, un enfant qui se trouvait chez lui et trois hommes qui roulaient à bord en voiture ont été tués. Deux civils ont péri à Homs (centre), haut lieu de la contestation. Et à Deir Ezzor (est), une fillette et un homme sont morts lors de perquisitions, selon les deux groupes.

Des dizaines de personnes ont été en outre arrêtées dans de nombreuses villes, selon les militants.

Il n'est pas possible d'obtenir une confirmation indépendante de ces chiffres, les médias étrangers ne pouvant circuler librement dans le pays.

À Idleb, des militaires dissidents ont lancé des roquettes RPG sur un siège de la jeunesse du Baas, le parti au pouvoir, où étaient réunis des membres de la sécurité, a précisé l'OSDH sans faire état de victime. L'agence officielle syrienne Sana a démenti cette dernière attaque.

Ces violences ont continué malgré l'ultimatum lancé par la Ligue arabe qui a suspendu la participation de la Syrie et a donné mercredi au régime trois jours, soit jusqu'à samedi, pour cesser «la répression sanglante» contre les civils sous peine de sanctions économiques.

Le ministre marocain des Affaires étrangères, Taib Fassi Fihri, a déclaré espérer une réponse favorable et rapide de la Syrie à une proposition d'envoyer 500 observateurs d'associations arabes des droits de l'Homme, de médias et d'observateurs militaires pour s'assurer de la sécurité des civils.

L'intransigeance des Arabes vient du fait que Damas ne respecte pas, contrairement à sa promesse, le plan de sortie de crise arabe qui prévoyait la fin des violences, le retrait des troupes des villes, la libération de milliers de détenus et l'envoi d'observateurs arabes.

Le régime syrien n'a pas encore réagi aux dernières injonctions arabes, ni commenté l'attaque contre le centre des services secrets, revendiquée par l'Armée syrienne libre (ASL), qui rassemble des milliers de soldats ayant fait défection.

Face à la poursuite de la répression qui a fait au moins 3.500 morts depuis le 15 mars selon l'ONU, Paris, Berlin et Londres veulent présenter au Comité des droits de l'homme de l'Assemblée générale de l'ONU une résolution condamnant les agissements du régime. Un vote devrait intervenir mardi.

La Jordanie, le Maroc, le Qatar et l'Arabie saoudite vont co-sponsoriser la résolution, selon Londres. Le succès d'une telle démarche pourrait augmenter la pression sur le Conseil de sécurité de l'ONU, la Russie et la Chine restant opposées à toute action à l'ONU contre le régime Assad.

Mme Ashton a invité le chef de la Ligue arabe, Nabil al-Arabi, à participer à la réunion de l'UE le 1er décembre pour coordonner les pressions sur Damas.

Le chef de la diplomatie française, Alain Juppé, est arrivé en Turquie, où les autorités ont décidé pour la première fois des sanctions en stoppant des explorations pétrolières communes menées en Syrie et en menaçant d'arrêter de fournir de l'électricité au pays.

Signe de l'affaiblissement de l'économie syrienne du fait de la crise et des sanctions déjà en place, le dollar s'est échangé à plus de 50 livres syriennes, pour la première fois en huit mois de révolte.