Le régime du président Bachar al-Assad, confronté à une insurrection populaire depuis sept mois, a confié un rôle de premier plan à ses milices civiles, les chabbiha, pour la mater.

«Les chabbiha sont un instrument qui permet au régime de se comporter de la façon la moins civilisée possible, sans qu'on puisse faire le lien entre ces milices et les autorités», a déclaré à l'AFP un analyste basé à Damas, ayant requis l'anonymat par peur de représailles.

«Ils s'attaquent aux anciens, aux enfants, et le régime peut ensuite dire: «ce n'est pas nous»», a-t-il ajouté.

Alors que les chabbiha n'ont pas de lien officiel avec la dynastie Assad, le régime syrien a décidé de laisser faire la sale besogne à ces groupes, qui ont, selon des informations rapportées par des militants, gagné plusieurs villes, munis d'armes les plus diverses, des bâtons aux armes automatiques.

Arrivés au Liban, les réfugiés syriens racontent leur calvaire aux mains des troupes de Maher al-Assad, le jeune frère du président, mais évoquent aussi de plus en plus souvent les chabbiha.

De nombreux réfugiés interrogés par l'AFP font état de détentions arbitraires et d'exécutions par ces milices.

Des vidéos mises en ligne sur YouTube -devenu une véritable source d'information face à la décision des autorités d'interdire tout accès aux journalistes- montrent régulièrement des hommes habillés en civil qui s'en prennent aux manifestants à la sortie des mosquées à Homs (centre) ou à Deraa (sud).

Il est souvent difficile de distinguer les forces de sécurité en civil des partisans du régime, qui fondent sur les manifestants, en majorité sunnites, alors que ces derniers réclament la fin du règne du parti Baas, contrôlé par les Alaouites et au pouvoir en Syrie depuis près d'un demi-siècle.

Et pour compliquer les choses, personne ne peut dire avec certitude qui sont les chabbiha et comment elles sont organisées.

«Les chabbiha ne sont pas un groupe unifié, comme une armée», explique à l'AFP le militant Omar Edelbi, porte-parole des Comités locaux de coordination (LCC) qui animent la contestation sur le terrain, et membre du Conseil national syrien (CNS), qui vient d'être lancé à Istanbul.

«Ce sont des bandes de civils armés, recrutés dans différentes villes et factions à travers la Syrie, et qui combattent et tuent leurs compatriotes, essentiellement pour des raisons idéologiques. Des bandes qui, contrairement à l'armée, ne sont responsables devant personne», poursuit-il.

«Nous Syriens, nous pouvons faire la différence, mais pour les étrangers, c'est généralement impossible».

Étymologiquement le mot «chabbiha» vient de l'arabe «chabah», c'est-à-dire «fantôme», et il était utilisé à Lattaquié il y a quelques décennies pour qualifier les groupes de trafiquants qui sévissaient dans cette ville côtière.

«Les bandes qu'on voit aujourd'hui dans les rues syriennes sont un phénomène différent des gangs mafieux qui opéraient à Lattaquié dans les années 80, et que les Assad ont bannis», selon M. Edelbi.

«Les Mercedes-Benz que les bandes de Lattaquié utilisaient ont été baptisées «chabah» en raison de leur rapidité et ces bandes elles-mêmes ont été appelées chabbiha, terme utilisé aujourd'hui pour décrire un autre phénomène» lié à la contestation.

Aujourd'hui, certains experts affirment que l'une des dernières cartes du régime syrien réside dans ces groupes armés, de confessions et de classes différentes.

Selon Joshua Landis, directeur du Centre pour les études moyennes-orientales à l'Univeristé d'Oklahoma aux États-Unis, «le rôle des chabbiha consiste essentiellement à intimider et à rétablir le sentiment de peur qui a toujours régné en Syrie durant les quarante dernières années, mais qui semble s'être brisé avec le Printemps arabe».