Près de 53 millions d'Égyptiens votent depuis hier pour se prononcer sur le nouveau projet de constitution - le troisième depuis 2011. Le oui devrait largement l'emporter. Notre journaliste au Caire explique pourquoi.

Des chants nationalistes résonnent dans la cour d'une école du quartier de Mounira, dans le centre du Caire. Sur le trottoir, quelques dizaines d'habitants patientent. Les hommes d'un côté, les femmes de l'autre. L'une d'elles s'est enveloppée dans un drapeau égyptien. Policiers et soldats filtrent les entrées. Ici, comme dans les autres bureaux de vote, la vaste majorité des électeurs se dit sans surprise favorable au projet de constitution.

«Je vais voter oui pour le bien du pays, explique Gamal El-Din, gendarme à la retraite. Cette constitution s'adresse à tout le monde: aux femmes, aux enfants, aux hommes de religion... Et on en a assez du terrorisme.» En votant oui, Heba dit elle aussi vouloir exprimer son refus du terrorisme. «Les Frères musulmans, je n'en veux plus, précise cette employée de la société nationale de télécommunications. Ils sont responsables des violences qui secouent le pays.»

Fin décembre, les Frères musulmans ont été décrétés «organisation terroriste» par les autorités. Et pendant toute la campagne, des clips télévisés ont martelé un message: «Dire oui à la Constitution, c'est dire non au terrorisme.» Comme pour renforcer les craintes des Égyptiens, et leur détermination à aller voter, une bombe a explosé hier deux heures avant l'ouverture du scrutin, dans le nord de la capitale. Sans faire de victimes.

«Je veux Sissi au pouvoir»

À la mi-journée, à Madinet Nasr de l'autre côté du Caire, l'atmosphère est à la fête. Klaxons, chants, youyous, photos du général Sissi... Au-delà de la Constitution, les électeurs ne cachent pas que leur vote est aussi une preuve de leur soutien au général Abdel Fattah Al-Sissi, ministre de la Défense et chef des armées. «Je veux Sissi au pouvoir, assure Rabaa, 59 ans. Il peut apporter la stabilité dont on en besoin. Il sait comment s'y prendre.»

L'homme fort du pays a savamment entretenu le flou quant à ses ambitions présidentielles. Samedi, il a toutefois déclaré qu'il pourrait être candidat si le peuple le lui demandait. Un taux de participation important pourrait être considéré comme un «appel» des Égyptiens.

Vote boycotté

Véritable enjeu du référendum, la participation était encore difficile à évaluer hier. Durement réprimés, les Frères musulmans et leurs partisans - dont au moins cinq ont été tués hier dans des heurts avec les forces de l'ordre - boycottent le vote, tout comme une partie de la jeunesse libérale et laïque, désespérée par le retour d'un régime sécuritaire.

«Je m'oppose non seulement à la Constitution, mais aussi à ceux qui sont au pouvoir, explique Nayera, 27 ans. Je ne veux pas participer à cette farce.»

Ignorés par les médias et harcelés par les forces de l'ordre pendant la campagne, les partisans du non, quant à eux, se faisaient discrets dans les files d'attente.

Amina, 57 ans, semble l'une des rares personnes venues se prononcer contre le projet constitutionnel. «Il y a des choses qui ne me plaisent pas dans ce texte, argumente-t-elle. Notamment les articles sur les libertés, insuffisants, et celui qui protège le ministre de la Défense.» Amina, toutefois, ne se fait pas d'illusion: «Le non n'a aucune chance de l'emporter.»

Le référendum en chiffres

1 : Il s'agit du premier scrutin depuis le renversement de Mohamed Morsi le 3 juillet et du sixième depuis la chute d'Hosni Moubarak en 2011.

32% : C'est le taux de participation enregistré lors du référendum sur la précédente constitution sous la présidence de Mohamed Morsi, en décembre 2012.

260 000 : C'est le nombre de policiers et soldats déployés pour sécuriser le scrutin.