Le président islamiste égyptien Mohamed Morsi va s'adresser mercredi à la population après avoir fait passer une Constitution controversée à l'origine d'une profonde crise politique, qui menace de se poursuivre malgré l'adoption du texte par référendum.

Les résultats officiels proclamés mardi soir donnent 63,8% des voix au «oui», une majorité confortable toutefois assortie d'une faible mobilisation des 52 millions d'électeurs inscrits, qui ne sont que 32,9% à avoir voté.

M. Morsi, qui a dans la foulée signé le décret d'application du texte, doit s'adresser aux Égyptiens à 18H00 locales (16H00 GMT) pour évoquer «la feuille de route pour la transition démocratique», selon l'agence officielle Mena.

Son Premier ministre Hicham Qandil a assuré qu'il n'y avait «pas de vaincu» et que cette Constitution serait celle de «tous les Égyptiens», malgré des semaines de manifestations émaillées de violences parfois meurtrières entre partisans et adversaires de M. Morsi.

Les États-Unis ont appelé le président égyptien à mettre «fin aux divisions» et à «élargir le soutien au processus politique», tandis que la France l'a pressé de «rétablir le consensus dans la société égyptienne».

Le camp présidentiel estime que la nouvelle loi fondamentale va permettre de stabiliser un pays à la transition chaotique depuis la chute de Hosni Moubarak en février 2011.

L'opposition, qui reproche à cette Constitution d'ouvrir la voie à une islamisation accrue de la législation et d'offrir peu de garanties pour certaines libertés, a répété qu'elle allait continuer de réclamer l'invalidation du vote, entaché selon elle de fraudes et d'irrégularités.

«La Constitution égyptienne est invalide, car elle est en conflit avec certaines normes (...) du droit international comme la liberté de culte et d'expression», a estimé mercredi sur son compte Twitter Mohamed ElBaradei, coordinateur de la principale coalition de l'opposition, le Front du salut national (FSN).

L'opposition, morcelée et quasiment inaudible depuis l'élection en juin de M. Morsi, candidat des Frères musulmans, a promis de consolider l'amorce d'unité et le regain de pugnacité qui se sont manifestés ces dernières semaines.

Un premier test devrait survenir avec des législatives prévues dans deux mois pour renouveler la chambre des députés, dissoute en juin.

«Grave crise économique»

En attendant cette élection, l'adoption de la Constitution s'est traduite par le transfert au Sénat -la chambre haute encore en activité, dominée par les islamistes- de la totalité du pouvoir législatif, assuré jusqu'à présent par M. Morsi.

Les tensions politiques se doublent d'une grave crise économique. Le gouvernement a décidé de limiter à un équivalent de 10.000 dollars en devise étrangère le montant que tout voyageur peut faire entrer ou sortir du pays, pour limiter les flux de capitaux pesant sur la livre égyptienne, ont rapporté les médias gouvernementaux.

Les réserves en devises de l'Égypte ont fondu de 36 à 15 milliards de dollars depuis la chute de M. Moubarak, une grande partie de ces sommes ayant servi à soutenir la livre face au dollar.

L'Égypte est depuis près de deux ans confrontée à une forte baisse des recettes du tourisme et à un effondrement des investissements étrangers, tandis que la crise politique a provoqué le report d'une décision très attendue du Fonds monétaire international (FMI) sur un prêt de 4,8 milliards de dollars.

Le gouvernement a également gelé des hausses de taxes qui auraient contribué à limiter le déficit budgétaire, mais risquaient d'ajouter une flambée de mécontentement social à la crise politique.

Le FMI, dont le prêt était initialement prévu pour décembre, pourrait finalement n'intervenir qu'après les législatives de mars, estime Mona Mansour, économiste de la société CI Capital. «Il va falloir rassurer les gens sur le fait que ce prêt ne va pas peser sur eux», affirme-t-elle.

«La rue égyptienne a peur», titrait le journal gouvernemental al-Ahram, suite à la décision de l'agence Standard & Poor's d'abaisser la note de la dette égyptienne de «B» à «B-».