Le premier président civil d'Égypte, l'islamiste Mohamed Morsi, entamait dimanche un mandat aux pouvoirs limités par les vastes prérogatives de l'armée, avec pour première tâche la formation d'un «gouvernement de coalition» pour donner des gages d'ouverture.

M. Morsi a officiellement prêté serment samedi, avant de se voir remettre le pouvoir exécutif par le Conseil suprême des forces armées (CSFA), à qui Hosni Moubarak avait confié les rênes du pays lors de sa démission en février 2011.

En attendant un nouveau gouvernement, il a dirigé dimanche une réunion du cabinet sortant du premier ministre Kamal al-Ganzouri, nommé l'an dernier par les militaires, et chargé pour le moment d'expédier les affaires courantes.

La réunion a porté sur les questions économiques et de sécurité, selon les médias officiels.

«Le début d'une nouvelle époque», titrait le quotidien gouvernemental al-Akhbar, en soulignant comme de nombreux journaux que M. Morsi était le premier civil à devenir président dans un pays où cette fonction a toujours été assurée par des militaires depuis la chute de la monarchie en 1952.

«Le plus grand défi du nouveau président sera de passer d'une culture d'opposition à celle d'un homme d'État», estimait néanmoins un éditorialiste du quotidien indépendant al-Masry al-Youm, Amr Chobaki.

L'armée a promis samedi de se «tenir au côté du président», mais M. Morsi reste sous l'étroite surveillance de la junte militaire, qui conserve un droit de veto sur toute loi, mesure budgétaire ou article de la future Constitution.

Légitimité populaire

Le CSFA s'est notamment octroyé le pouvoir législatif, après la dissolution mi-juin de l'Assemblée dominée par les islamistes suite à une décision de justice invalidant le mode de scrutin.

Le nouveau président, issu des Frères musulmans et élu pour quatre ans, veut quant à lui s'appuyer sur la légitimité populaire que lui donne son élection avec 51,7% des voix contre un ancien Premier ministre de M. Moubarak, Ahmad Chafiq.

Vendredi, il a symboliquement prêté serment devant des dizaines de milliers de personnes sur la place Tahrir, «place de la liberté et de la révolution» contre le régime Moubarak, et prévenu l'armée que le peuple était «la seule source de légitimité».

La tâche la plus urgente du nouveau président sera de former un gouvernement susceptible de donner des gages d'ouverture et d'élargir ses soutiens face aux militaires.

L'entourage de M. Morsi a dès la semaine dernière laissé entendre qu'il souhaitait former un «gouvernement de coalition» dirigé par une «personnalité indépendante».

Les noms de l'ancien chef de l'agence atomique de l'ONU, Mohamed ElBaradei, ou de l'ancien ministre des Finances Hazem el-Beblawi ont circulé, mais sans confirmation formelle.

Aide d'un milliard de dollars

Des responsables du Parti de la Justice et de la Liberté (PLJ), émanation des Frères musulmans, cités par la presse dimanche, affirmaient que les tractations devaient réellement commencer dans la semaine.

Un des dirigeants du PLJ, Saad Hosseini, a déclaré au quotidien gouvernemental al-Akhbar qu'il était «impossible que le poste de premier ministre soit détenu par un membre des Frères ou du PLJ», confirmant le désir d'ouverture du président.

Le gouvernement sortant a par ailleurs signé un accord avec la Banque islamique de développement (BID) basée en Arabie saoudite, portant sur un milliard de dollars, destiné à aider le pays à importer des carburants et des produits alimentaires de base dans cette période de crise économique.

Sur le front international, un responsable israélien a indiqué que le premier ministre Benjamin Netanyahu avait envoyé à M. Morsi une lettre pour l'encourager à soutenir le traité de paix signé en 1979 entre les deux pays, considéré par l'État hébreu comme un acquis diplomatique stratégique.

Dans cette lettre, M. Netanyahu souligne «le désir d'Israël de poursuivre la coopération et de renforcer la paix», a ajouté ce responsable.

Le président israélien Shimon Pérès a lui aussi adressé une message de félicitation à son nouvel homologue égyptien, dans lequel il souligne que «contrairement à la guerre, la paix est une victoire pour les deux parties».

M. Morsi s'était engagé dès l'annonce de sa victoire à respecter tous les textes internationaux signés par l'Égypte, parmi lesquels figure ce traité de paix, le premier signé par un pays arabe avec Israël. Samedi, il a également apporté son soutien aux «droits légitimes» des Palestiniens.