Le QG de campagne d'Ahmad Chafiq, dernier Premier ministre de Hosni Moubarak, a été attaqué lundi soir au Caire, quelques heures après la confirmation officielle qu'il affronterait au second tour de l'élection présidentielle le candidat des Frères musulmans Mohammed Morsi.

Un garage attenant au bâtiment, où étaient entreposés des affiches et des prospectus du candidat, a été incendié, d'après des membres de l'équipe de campagne de M. Chafiq et des témoins. Le feu a rapidement été maîtrisé, selon les pompiers présents sur place.

Devant la villa du quartier de Dokki où le candidat a installé son QG, des milliers de prospectus jonchaient le sol et quelques dizaines de ses partisans scandaient «Par notre âme et notre sang, nous nous sacrifierons pour toi, Chafiq», a constaté une journaliste de l'AFP.

Selon une source policière, huit personnes ont été arrêtées à proximité.

Les partisans de M. Chafiq ont accusé des adversaires politiques du candidat, notamment les Frères musulmans et des mouvements de jeunes pro-démocratie.

Des heurts ont brièvement opposé dans la soirée un millier de manifestants anti-Chafiq --dont des partisans d'un candidat de gauche vaincu au premier tour-- et des individus en civil sur la place Tahrir, site emblématique de la révolte contre M. Moubarak début 2011, et des prospectus pris dans le QG de M. Chafiq jonchaient le sol sur la place.

Farouq Soltane, le président de la commission électorale, avait annoncé officiellement dans l'après-midi que le second tour, les 16 et 17 juin, opposerait MM. Morsi et Chafiq, confirmant les résultats préliminaires du premier tour de la semaine dernière donnés par la confrérie islamiste et dans la presse.

M. Morsi a obtenu 24,7% des voix et M. Chafiq 23,6%.

Ce duel s'annonce tendu en raison des projets diamétralement opposés de deux hommes, un islamiste conservateur et un symbole de l'ancien régime issu de l'appareil militaire.

Le nationaliste arabe Hamdeen Sabbahi est arrivé en troisième position, avec 20,7% des suffrages. Viennent ensuite l'islamiste modéré Abdel Moneim Aboul Foutouh et l'ex-ministre des Affaires étrangères Amr Moussa.

Plaintes rejetées

La participation au premier tour de ce scrutin historique, le premier depuis que Hosni Moubarak a été renversé sous la pression d'un soulèvement populaire en février 2011, a atteint 46%. Près de 51 millions d'électeurs étaient appelés à départager 12 candidats.

M. Soltane a indiqué que toutes les plaintes pour irrégularités durant le scrutin avaient été rejetées, en ajoutant que celles qui avaient été relevées n'avaient «pas d'impact sur le résultat général».

La Bourse du Caire a chuté de 3,5% dimanche en raison des tensions et des incertitudes politiques engendrées par ce duel. Elle a de nouveau perdu 1,8% lundi en clôture, peu avant l'annonce des résultats officiels.

M. Morsi a bénéficié du soutien du puissant réseau militant de la confrérie, qui vaut aux Frères musulmans de détenir déjà près de la moitié des sièges de députés dans le plus peuplé des pays arabes.

M. Chafiq, ancien chef d'état-major de l'armée de l'air, est accusé par ses adversaires d'être l'homme des militaires qui dirigent le pays depuis la chute de M. Moubarak.

Il a fait campagne sur le thème du retour à la stabilité, cher à de nombreux Egyptiens après 15 mois d'une transition tumultueuse et émaillée de violences meurtrières.

Les deux finalistes ont très vite tenté de rassembler les soutiens, en appelant leurs rivaux malheureux à se rallier à eux et en multipliant ces derniers jours les promesses de préserver les acquis de la «révolution».

Ils ont aussi assuré qu'ils gouverneraient au nom de tous les Egyptiens, dans l'espoir d'élargir leur base électorale, notamment auprès des jeunes.

Désarroi

Le duel a provoqué le désarroi des militants pro-démocratie laïques, réduits à envisager de voter islamiste pour éviter un retour du régime honni contre lequel ils s'étaient mobilisés.

MM. Moussa et Aboul Foutouh ont refusé lundi de donner de consigne de vote. M. Aboul Foutouh a néanmoins catégoriquement rejeté l'hypothèse de voter pour M. Chafiq, brocardé comme un «fouloul» («revenant» de l'ancien régime).

La justice égyptienne doit par ailleurs se prononcer le 11 juin sur une loi interdisant aux piliers de l'ère Moubarak de se présenter aux élections, a rapporté le journal al-Akhbar, ce qui pourrait avoir des conséquences pour M. Chafiq.

Le Conseil suprême des forces armées (CSFA) du maréchal Hussein Tantaoui a promis de rendre le pouvoir aux civils avant la fin juin, une fois le nouveau président élu.

Les pouvoirs du prochain chef de l'Etat, qui sera élu pour quatre ans, sont toutefois encore imprécis. Le pays ne dispose pas encore d'une nouvelle Constitution pour remplacer celle en vigueur sous M. Moubarak, suspendue après sa démission.