Les affrontements entre Coptes (chrétiens d'Égypte) et forces de l'ordre qui ont fait 24 morts au Caire relançaient lundi les craintes d'aggravation des tensions religieuses et politiques dans un pays qui connaît une transition fragile depuis la chute du président Moubarak.

Le gouvernement a entamé en milieu de journée par une minute de silence une réunion d'urgence à l'initiative du premier ministre Essam Charaf, a rapporté l'agence officielle Mena. M. Charaf avait estimé dans la nuit que le pays était «en danger».

Au moins 40 personnes ont été arrêtées à la suite des affrontements qui ont aussi fait plus de 200 blessés, a indiqué à l'AFP un responsable de la sécurité, sans préciser combien étaient musulmans ou chrétiens.

Ces violences, les plus meurtrières depuis la révolte qui a renversé le président Hosni Moubarak en février, ont eu lieu en marge d'une manifestation de Coptes protestant contre l'incendie d'une église dans le gouvernorat d'Assouan (sud).

Un couvre-feu a ensuite été décrété dans plusieurs quartiers du centre de la capitale de 02H00 à 07H00 (00H00 à 05H00 GMT) pour tenter de rétablir le calme.

La bourse du Caire a réagi en chutant lourdement de plus de 5% à son ouverture lundi. La place boursière a perdu quelque 45% depuis le début de l'année, reflétant la crise économique qui frappe le pays et les craintes des investisseurs sur son avenir politique.

Dans la nuit, le premier ministre avait appelé chrétiens et musulmans «à la retenue» et à ne pas céder aux «appels à la sédition».

«Ce qui se passe, ce ne sont pas des affrontements entre musulmans et chrétiens, ce sont des tentatives de provoquer le chaos et la sédition», avait dit Essam Charaf sur sa page officielle Facebook.

Dans des déclarations rapportées par l'agence Mena, le premier ministre avait en outre estimé qu'il s'agissait d'un «complot pour éloigner l'Égypte des élections».

Les premières législatives depuis le départ de M. Moubarak doivent se tenir à partir du 28 novembre, mais leurs modalités font l'objet de désaccords et beaucoup redoutent qu'elles ne soient marquées par des violences.

L'armée, qui tient les rênes du pays depuis la démission de M. Moubarak sous la pression de la rue, n'a pas non plus transmis de calendrier précis de remise du pouvoir aux civils, promis après une élection présidentielle dont la date n'est pas encore formellement fixée.

Ahmed al-Tayyeb, grand imam d'al-Azhar, la plus haute institution de l'islam sunnite, a appelé de son côté musulmans et chrétiens au dialogue «afin de tenter de contenir la crise».

«La révolution égyptienne a connu une nuit noire» titrait lundi le quotidien indépendant al-Chorouk. Un autre journal indépendant, al-Masri al-Youm, écrivait en Une «Égypte» en lettres ruisselant de sang.

«Les dirigeants doivent prendre des mesures sérieuses pour traiter les problèmes à la racine, autrement cette situation peut mener à la guerre civile», a estimé Fouad Allam, ancien chef des services de sécurité pendant deux décennies, sur la télévision al-Arabiya, en demandant une révision de lois religieuses discriminatoires.

D'autres relevaient en revanche relevaient que les heurts n'avaient pas simplement un fondement religieux, mais étaient alimentés par le ressentiment contre la police et le pouvoir militaire.

Les raisons qui ont fait dégénérer ce qui avait commencé comme une marche pacifique de milliers de Coptes du quartier de Chobra vers Maspero, où se trouve la télévision publique dans le centre du Caire, restent confuses.

L'Égypte connaît depuis plusieurs mois une montée des tensions confessionnelles, alimentées notamment par des querelles de voisinage et des différends sur la construction d'églises.

Les Coptes, qui représentent de 6 à 10% des Égyptiens, s'estiment discriminés dans une société en grande majorité musulmane. Ils ont été visés par plusieurs attentats, en particulier celui du Nouvel An contre une église à Alexandrie (23 morts).

Ils protestent régulièrement contre une législation très contraignante sur la construction ou la rénovation d'églises, qui contraste avec le régime très libéral qui prévaut pour les mosquées.