De nombreux journalistes étrangers couvrant les affrontements entre partisans et adversaires du président Hosni Moubarak ont fait l'objet de violences mercredi au Caire, ont indiqué leurs rédactions et l'association Reporters sans frontières (RSF).

Des reporters, photographes et cameramen couvrant les violents heurts sur la place Tahrir, dans le centre de la capitale, ont fait état d'un climat très tendu à l'égard de la presse de la part des manifestants pro-Moubarak.

Un journaliste de l'AFP a indiqué avoir dû solliciter la protection de deux soldats pour pouvoir quitter la place Tahrir sans encombre, en raison de l'agressivité de militants pro-régime aux abords du site.

Le porte-parole de la diplomatie américaine, Philip Crowley, s'est inquiété «des arrestations et des attaques» contre les médias couvrant la crise égyptienne.

RSF a «condamné sans appel» les violences commises par les partisans du président Moubarak, auxquels se seraient mêlés des policiers en civil, à l'encontre de plusieurs journalistes de la BBC, d'Al-Jazira, de CNN, d'Al-Arabiya, d'ABC News ou de Radio-Canada.

Selon un communiqué, plusieurs journalistes «ont été directement pris à partie par des partisans du chef de l'État et par des policiers infiltrés». «Ils ont été frappés et leur matériel (a été) volé», déclare Jean-François Julliard, secrétaire général de RSF.

L'association indique qu'il est encore difficile de faire un comptage précis des exactions dont la presse a été victime, «en raison de la confusion qui a régné au cours de cette journée de mobilisation». Parmi les journalistes agressés, elle mentionne cependant Anderson Cooper de CNN, Jerome Boehm de la BBC et Lara Setrakian d'ABC News.

A Bruxelles, le quotidien Le Soir a indiqué que son journaliste Serge Dumont, de nationalité belge, avait été «molesté», «tabassé», puis «emmené par des personnes non identifiées en civil» alors qu'il couvrait une manifestation pro-Moubarak au Caire.

Serge Dumont travaille également pour les journaux suisse Le Temps et français la Voix du Nord. Les trois quotidiens ont exprimé «leur plus vive préoccupation».

L'armée égyptienne est intervenue place Tahrir pour exfiltrer de la foule en colère un caméraman de la télévision publique Radio-Canada, sans quoi toute l'équipe «aurait été battue à mort», a raconté l'un des journalistes présents.

Le reporter Jean-François Lépine a raconté sur Radio-Canada que le caméraman Sylvain Castonguay avait été battu par «des dizaines de gens» en proie à une «hystérie collective», avant d'être secouru par des militaires.

Deux journalistes suédois du quotidien Aftonbladet ont aussi été pris à partie par la foule au cours d'un reportage dans un quartier pauvre du Caire, avant d'être arrêtés puis relâchés quelques heures plus tard par un militaire venu sur place, a rapporté leur journal.

Une équipe de la chaîne française France 2 a elle aussi été «prise à partie mercredi soir à un barrage» alors qu'elle revenait d'un reportage à Suez, a indiqué à Paris Thierry Thuillier, directeur général des rédactions de France-Télévisions.

Alors qu'un policier vérifiait leurs passeports, des personnes non identifiées ont commencé à taper sur leur voiture et à l'endommager. Les trois journalistes et leur guide «se sont échappés» sous les coups. Deux ont subi des contusions, le troisième a reçu un coup au crâne. Ils ont été emmenés à l'hôpital militaire par l'armée, selon la même source.

«Le journaliste blessé va bien, on lui a fait 3/4 points de suture, je lui ai parlé», a indiqué M. Thuillier. Tous les trois devaient passer la nuit à l'hôpital, «pour leur sécurité», a-t-il précisé.

Par ailleurs, trois journalistes de la chaîne France 24 ont été interpellés en fin de journée au Caire et sont détenus par «les renseignements militaires», selon les indications fournies à l'AFP par une porte-parole de la chaîne à Paris. La chaîne ignorait les motifs de ces interpellations.

Trois journalistes israéliens ont également été interpellés en Egypte alors qu'ils couvraient le soulèvement populaire contre le régime du président Moubarak, avant d'être relâchés en attendant de prendre l'avion pour Israël, a indiqué mercredi le ministère des Affaires étrangères israélien.

Selon les médias israéliens, les trois journalistes sont deux membres de la deuxième chaîne de télévision (privée) et un envoyé d'un site internet arabe israélien, et ont été détenus pour n'avoir pas respecté le couvre-feu.

Les services du ministère de l'Information, interrogés, n'avaient pas de réaction à apporter à ce stade.