Deux journalistes espagnols enlevés en septembre 2013 en Syrie par un groupe armé lié à Al-Qaïda, Javier Espinosa et Ricardo Garcia Vilanova, ont été libérés et ont regagné Madrid dimanche après six mois de captivité.

Le correspondant de El Mundo au Proche-Orient Javier Espinosa, 49 ans, et le photographe indépendant Ricardo Garcia Vilanova, 42 ans, ont été «libérés et remis aux militaires turcs», avait annoncé dans la nuit le journal sur son site internet.

Tous deux sont arrivés dimanche à bord d'un avion militaire espagnol sur la base de Torrejon de Ardoz, près de Madrid, où ils ont été accueillis par leurs proches. Ils ont aussitôt gagné le siège de El Mundo, où ils devaient être accueillis par leurs collègues et donner une conférence de presse, a annoncé le journal.

«Merci à tous ceux qui se sont préoccupés de notre sort et ont fait en sorte que nous rentrions à la maison. Nous allons très bien», ont-ils déclaré.

«Je ne peux rien dire, mais cela ne relève pas de nous. Merci beaucoup», a ajouté le photographe, s'excusant de ne pouvoir parler de ce qu'ils ont vécu, avant que tous deux ne quittent la salle.

C'est par un simple coup de fil samedi soir à la rédaction de son journal que Javier Espinosa a annoncé qu'ils se portaient bien et demandé qu'on prévienne leurs familles, précisant qu'ils espéraient «rentrer à Madrid ce dimanche après 194 jours de captivité», avait indiqué le journal sans plus de précisions.

C'est «un pur bonheur», a twitté la compagne de Javier Espinosa, la journaliste Monica Garcia Prieto dimanche matin.

«On a vécu quelques mois difficiles. Nous savions que ce serait long, mais on ne s'habitue jamais à ça», a confié la directrice de El Mundo pour les pages internationales, Ana Alonso Montes, à la radio publique.

Les deux journalistes avaient été enlevés par des combattants de l'État islamique en Irak et au Levant (EIIL), le plus radical des groupes jihadistes en Syrie, le 16 septembre au «check point» de Tal Abyad, dans la province syrienne de Raqqa, près de la frontière turque, alors qu'ils s'apprêtaient à quitter le pays après deux semaines de travail en Syrie.

Un journaliste du quotidien catalan El Periodico, Marc Marginedas, enlevé en Syrie le 4 septembre, avait été libéré le 2 mars.

Lui aussi avait été enlevé et séquestré par l'EIIL lors d'un troisième voyage en Syrie, pays considéré par les ONG de défense des droits de l'Homme comme le plus dangereux au monde pour les journalistes.

Deux journalistes expérimentés 

Journaliste expérimenté, Javier Espinosa s'était rendu une dizaine de fois en Syrie depuis le début du conflit en mars 2011, où il avait notamment réalisé pour El Mundo une série de reportages sur les conditions de vie très difficiles des enfants et des malades dans ce pays en lutte contre le régime du président Bachar al-Assad.

Le photographe Ricardo Garcia Vilanova, qui a notamment collaboré à la couverture du conflit pour l'Agence France-Presse, travaillait pour de nombreux médias, dont le New York Times, Newsweek, Le Monde. Il avait déjà été enlevé une première fois par l'EIIL au cours d'un reportage à Alep, dans le nord de la Syrie.

Outre ses images des combats, Vilanova a publié plusieurs reportages photo des blessés de l'hôpital de Dar al Shifa, bombardé à plusieurs reprises par les forces gouvernementales syriennes.

En décembre, lors d'un voyage au Liban, la compagne de Javier Espinosa avait souligné le courage des journalistes qui s'étaient rendus en Syrie «pour rendre compte des crimes de guerre, risquant leur vie, et partageant comme des frères avec les Syriens la peur, la misère et la crise humanitaire».

Treize grands médias internationaux, dont le New York Times, BBC News et les agences de presse Reuters, AP et AFP, estimaient en décembre que plus de 30 journalistes étaient retenus en Syrie.

Quatre journalistes français sont retenus en otages dans ce pays depuis neuf mois.

Didier François, grand reporter à la radio Europe 1, et le photographe Edouard Elias ont été enlevés au nord d'Alep le 6 juin 2013. Nicolas Hénin, reporter à l'hebdomadaire Le Point, et Pierre Torrès, photographe indépendant, ont été enlevés deux semaines plus tard, le 22 juin à Raqqa.