Le gouvernement égyptien a appelé la population à faire preuve de «retenue» dans l'expression de sa «colère» face au film sur l'islam qui provoque de vives réactions dans le pays et fait craindre de nouvelles tensions entre musulmans et chrétiens coptes.

Le film Innocence of Muslims est «offensant pour le prophète et immoral», a dit le gouvernement du Premier ministre Hicham Qandil dans un communiqué.

«Tous les Egyptiens, musulmans et chrétiens, expriment leur rejet de cette insulte», a-t-il ajouté, alors qu'une nouvelle manifestation islamiste avait lieu en soirée devant l'ambassade américaine.

Le président Mohamed Morsi a souhaité de son côté que «toutes les mesures légales contre les producteurs» du film soient prises, a indiqué l'agence officielle Mena.

Le gouvernement a parallèlement demandé au «grand peuple d'Égypte de faire preuve de retenue dans l'expression de sa colère», au lendemain d'une manifestation de plusieurs milliers de personnes devant l'ambassade des Etats-Unis au Caire au cours de laquelle un groupe a abaissé le drapeau américain pour le remplacer par un étendard islamiste.

Il a jugé «regrettables» les incidents survenus devant l'ambassade, et fait savoir que quatre personnes «accusées d'avoir fait irruption» dans son enceinte avaient été arrêtées.

Des appels à manifester mercredi soir devant l'ambassade ont été lancés par des organisations coptes en signe de solidarité avec les musulmans, mais en fait ce sont quelque 200 à 300 islamistes qui s'y sont retrouvés, scandant «Allah Akbar» (Dieu est le plus grand).

Certains brandissaient une chaussure avec une croix peinte sur la semelle en signe d'hostilité aux chrétiens. Un important dispositif policier était déployé devant la mission diplomatique.

Inquiétude parmi les Coptes

Bien que le film ait été revendiqué par un Israélo-Américain, en Égypte la perception répandue par des médias et des prédicateurs fondamentalistes est qu'il est le fait de Coptes vivant aux États-Unis.

L'Union des jeunes de Maspéro, qui regroupe de jeunes chrétiens d'Égypte, a souligné que «les Coptes qui ont pris part à la production du film en question ne sont pas représentatifs de la grande majorité des Coptes. Ils ne représentent ni le christianisme ni l'église, ni les Coptes de la diaspora».

Les chrétiens d'Egypte représentent quelque 6 à 10% des 82 millions d'habitants, et dénoncent régulièrement des discriminations et des violences parfois meurtrières à leur encontre.

L'élection en juin dernier d'un président islamiste, Mohamed Morsi, a aggravé les craintes de cette communauté, malgré les assurance du nouveau chef d'Etat d'être «le président de tous les Egyptiens».

«Nous sommes nerveux en ce moment. En fait nous le sommes depuis que les islamistes sont au pouvoir», a affirmé à l'AFP Hani Ramses, un membre de l'Union des Jeunes de Maspéro.

«Le président (Morsi) doit rassurer toutes les minorités et tous les Égyptiens (et leur dire) qu'ils seront respectés, que leurs biens et leurs lieux de culte seront respectés», a-t-il ajouté.

Les chrétiens veulent aussi «que l'on trouve les Coptes qui sont derrière cela et que l'on cesse d'accuser les Coptes en général», qui dans leur immense majorité «sont contre toute offense contre quelque religion que ce soit», a-t-il poursuivi.

Le mouvement des Frères musulmans, première force politique du pays, dont vient M. Morsi, appelle quant à lui à des manifestations pacifiques devant les mosquées partout dans le pays vendredi, jour de la traditionnelle prière des musulmans.

La confrérie, qui pourrait chercher à récupérer l'émotion populaire mais aussi à la canaliser pour éviter qu'elle ne dégénère, invite «toutes les forces du pays» à se joindre à ces rassemblements «pacifiques» destinés à dénoncer «les insultes contre la religion et le prophète».