Un millier de combattants d'Al-Qaïda ont pris sans grande résistance lundi le contrôle de la ville de Radah dans le centre du Yémen, se rapprochant de la capitale Sanaa après avoir conforté leur présence dans le sud et l'est du pays.

Le réseau extrémiste met à profit l'affaiblissement du pouvoir central à Sanaa pour gagner du terrain, le pays étant en pleine crise après la révolte populaire contre le président Ali Abdallah Saleh qui a dû transférer en novembre le pouvoir à son vice-président.

Dimanche soir, un millier d'hommes armés ont attaqué Radah, dans la province de Bayda, à 130 km au sud-est de Sanaa, selon des sources concordantes.

Ils ont donné l'assaut à la prison centrale et libéré plus d'une centaine de détenus, dont des membres d'Al-Qaïda, a précisé un responsable local. Le ministère de la Défense a confirmé sur son site internet qu'un «groupe de prisonniers accusés de crimes» avaient pu s'enfuir.

Les combattants d'Al-Qaïda sont désormais à deux heures de route de Sanaa et peuvent contrôler le noeud routier stratégique qui relie la capitale aux régions du sud et du sud-ouest du Yémen.

«Al-Qaïda a pris le contrôle de Radah» avant l'aube, a déclaré à l'AFP un responsable de la province de Bayda qui a requis l'anonymat. Les forces gouvernementales se sont retirées vers leurs bases et les combattants extrémistes les ont remplacées sur les barrages de contrôle de la ville.

Deux militaires ont été tués en tentant de s'opposer à l'assaut contre la prison, seule résistance aux combattants intégristes dans la prise de la ville, selon le responsable local.

«Il n'y a presque pas eu de combats», a dit un chef tribal à l'AFP.

À la mi-journée, deux personnes qui tentaient de s'opposer par les armes aux combattants d'Al-Qaïda ont été tuées dans des échanges de tirs, selon un responsable local.

Les activistes ont également pris le quartier général de la police et saisi deux véhicules de la police équipés de mitrailleuses. D'après un responsable du gouvernement, ils retiennent dix policiers.

Des habitants de Radah ont affirmé que les militants d'Al-Qaïda patrouillaient à travers la ville à bord de véhicules arborant le drapeau du réseau terroriste - noir avec en blanc l'inscription «Il n'y a de Dieu que Dieu» - de même que des photos du chef de l'organisation, Ayman Al Zawahiri.

«Radah est maintenant une ville islamique», proclamaient-ils par haut-parleurs.

De nombreux habitants de Bayda, chef-lieu de la province de même nom, ont de leur côté manifesté pour demander la démission du gouverneur et des responsables régionaux de sécurité qu'ils ont accusés d'avoir «livré Radah à Al-Qaïda».

Selon des sources tribales, les hommes qui ont mené l'assaut sont conduits par Tarek al-Dahab, un beau-frère de l'imam radical américano-yéménite Anwar Al-Aulaqi, tué le 30 septembre dans une frappe américaine au Yémen.

Des dirigeants tribaux ont accusé les forces gouvernementales de collusion avec les hommes d'Al-Qaïda et affirmé avoir mis en garde le gouvernement sans succès contre la menace d'une prise de Radah.

En mai dernier, des centaines de combattants se réclamant des «Partisans de la Charia», un groupe lié à Al-Qaïda, avaient pris sans coup férir le contrôle de Zinjibar, capitale de la province sudiste d'Abyane. Ils avaient aussi étendu leur contrôle à d'autres secteurs de la province et de celle voisine de Chabwa.

L'opposition avait alors accusé M. Saleh, au pouvoir chancelant, d'avoir livré la ville aux extrémistes pour agiter devant l'Occident le spectre d'Al-Qaïda.

Le chef tribal Tarek al-Fadli, qui a pris le parti des extrémistes, a appelé les autorités à «une solution politique» avec les combattants extrémistes.

«Al-Qaïda est un fait accompli aujourd'hui à Abyane et Chabwa et y applique la loi islamique. Toute solution militaire est désormais impossible», a dit cheikh Fadli, joint par téléphone par l'AFP à Zinjibar.

En août, le Conseil de sécurité de l'ONU avait exprimé ses «graves inquiétudes» face au risque qu'Al-Qaïda exploite la vacance du pouvoir pour renforcer son emprise sur le Yémen.

Le 23 novembre, M. Saleh a signé un accord de transition politique, prévoyant son départ du pouvoir après une présidentielle anticipée le 21 février, en échange d'une immunité.