SNC-Lavalin aurait négocié de 2008 à 2010 pour contribuer au développement d'une unité de l'armée libyenne, selonThe Globe and Mail. La firme d'ingénierie québécoise défend ses liens avec le défunt régime Kadhafi, assurant que ses services n'ont jamais touché «à la formation ou à l'équipement destinés à quelque action offensive».

Le quotidien torontois affirme avoir découvert une série de documents détaillant les liens étroits entretenus par SNC-Lavalin et Saadi Kadhafi, troisième fils du défunt dictateur. Dans une lettre datée de novembre 2008, la firme québécoise aurait offert au Libyen de 38 ans présentement recherché par Interpol de s'associer au Corps de génie libyen dont son père venait de lui confier la gestion.

La Bosnie et l'Afghanistan

Dans sa lettre, SNC-Lavalin se serait présentée comme une entreprise spécialisée dans le secteur de la défense, insistant sur ses nombreux contrats militaires. La firme a obtenu plusieurs contrats avec les Forces canadiennes qu'elle a notamment épaulées en Bosnie et en Afghanistan. L'entreprise aurait également dit pouvoir compter sur l'expérience d'anciens officiers militaires de haut rang, comme le vice-amiral à la retraite Ron Buck. Ce dernier a commandé la Marine canadienne et a été pressenti pour diriger les Forces canadiennes.

Une rencontre aurait eu lieu un mois plus tard entre Saadi Kadhafi et un vice-président de SNC, André Béland. Selon un compte rendu, le Québécois aurait vanté la capacité de son entreprise à «gérer les projets stratégiques de la Libye, autant militaires que civils».

La proposition aurait débouché sur un contrat de consultation de six mois d'une valeur d'un million. Le document précise que SNC-Lavalin devait fournir les services de cinq consultants, dont Armand Couture, ancien président d'Hydro-Québec de 1992 à 1995, et le vice-amiral à la retraite Buck.

Dans un courriel envoyé à La Presse, SNC-Lavalin assure avoir mené un seul projet pour le Corps de génie libyen, soit la construction d'une prison, projet qui avait lui-même soulevé la controverse. L'entreprise indique avoir mené plusieurs autres projets, tous de nature civile, pour le défunt régime Kadhafi. «La division Défense de SNC-Lavalin réalise des projets d'infrastructure militaire: construction et gestion de camps, de quais, de ports, etc. notamment pour les Forces canadiennes, mais également pour plusieurs autres gouvernements. Elle ne fournit pas de service relié à la formation ou à l'équipement destinés à quelque action offensive», a défendu hier une porte-parole de l'entreprise, Leslie Quinton.

Saadi Kadhafi semblait toutefois vouloir confier un rôle plus important à la firme québécoise. Lors d'une rencontre avec l'état-major du Corps de génie libyen en mars 2010, le troisième fils du défunt dictateur a dit compter sur «l'aide de la compagnie Lavalin» pour développer l'unité, selon un compte-rendu obtenu par The Globe.

Le quotidien torontois affirme également avoir obtenu une lettre de Riadh Ben Aissa, le premier vice-président de SNC-Lavalin, proposant à Saadi Kadhafi de s'associer au Corps de génie libyen en fondant une entreprise conjointe. Les deux se seraient même entendus pour lui créer un logo mêlant le bleu de la firme québécoise au vert du drapeau libyen.

Créé en 2008 par le colonel Mouammar Kadhafi, le Corps de génie libyen s'inspirait d'unités militaires de plusieurs pays, dont les États-Unis, qui s'en servent autant pour développer des projets militaires que civils. Des documents du Globe indiquent toutefois que Saadi Kadhafi souhaitait aller plus loin en mettant sur pied des forces spéciales et en achetant des armes de haute technologie. Le troisième fils du défunt dictateur aurait d'ailleurs été responsable des soldats d'élite libyens lors de la révolte armée de 2011.

Recherché par Interpol

Saadi Kadhafi est présentement recherché par Interpol pour «détournement présumé de biens par la force et l'intimidation par les armes». Il se cacherait au Niger où il se serait réfugié après avoir fui la Libye.

Ce n'est pas la première fois que les relations entre SNC-Lavalin et l'ancien régime Kadhafi font les manchettes. La Presse écrivait en décembre que la firme québécoise avait financé une «mission d'établissement des faits» critique à l'égard des frappes de l'OTAN et des exactions commises par les rebelles en Libye lors du soulèvement armé ayant renversé la dictature libyenne.

Un ex-militaire australien, Gary Peters, avait indiqué à La Presse qu'il avait été embauché par SNC-Lavalin en 2008 pour agir comme garde du corps de Saadi Kadhafi lors d'une visite de trois mois au Canada.

«SNC-Lavalin respecte les règles et les normes internationales et canadiennes. Nous espérons, via les infrastructures que nous réalisons, aider les populations et les collectivités où nous sommes présents, et améliorer leur qualité de vie», a assuré par courriel Mme Quinton.