Des affrontements se sont poursuivis samedi au Caire pour la deuxième journée consécutive entre forces de l'ordre et manifestants hostiles au pouvoir militaire, le premier ministre Kamal el-Ganzouri évoquant un risque de «contre-révolution».

Le bilan des accrochages qui ont débuté vendredi matin devant le siège du gouvernement dans le centre du Caire est de neuf morts et 361 blessés, a déclaré le ministre de la Santé Fouad al-Nawaoui.

Ces violences sont les plus graves depuis les affrontements similaires qui avaient fait 42 morts, principalement au Caire, quelques jours avant le début le 28 novembre des premières législatives depuis la chute de Hosni Moubarak en février, chassé sous la pression de la rue.

Dans la soirée, plusieurs milliers de personnes étaient massées à proximité d'un mur érigé par les forces de l'ordre sur une grande avenue, à quelques centaines de mètres de la place Tahrir, haut lieu de la contestation.

Des petits groupes de jeunes lançaient des pierres par-dessus le mur en direction des forces de sécurité, qui leur jetaient également des pierres et des pétards, ont constaté des journalistes de l'AFP.

Des manifestants ont également recommencé à installer des tentes sur la place Tahrir pour remplacer celles brûlées dans la journée par les forces de l'ordre, qui avaient repris dans la matinée le contrôle des abords du siège du gouvernement.

Après quelques heures de calme, des heurts ont repris et se sont étendus à d'autres secteurs des abords de la place Tahrir, notamment un grand pont sur le Nil, avant de refluer vers l'avenue gardée par les militaires.

Le parquet a ordonné le maintien en détention pour quatre jours de 17 personnes arrêtées.

Le premier ministre a fait état de 18 blessés par balles, mais a assuré que «ni l'armée ni la police n'ont ouvert le feu» sur les manifestants.

«Ceux qui sont à Tahrir ne sont pas les jeunes de la révolution», a affirmé M. Ganzouri.

«Ce n'est pas une révolution, mais une contre-révolution», a-t-il ajouté en mettant les violences sur le compte d'«éléments infiltrés» qui «ne veulent pas de bien à l'Égypte».

Onze des trente membres d'un «conseil consultatif» mis en place par l'armée pour dialoguer avec les forces politiques ont néanmoins présenté leur démission pour protester contre l'attitude du pouvoir.

«Nous avons fait des recommandations vendredi, mais nous avons été surpris qu'elles ne soient pas suivies, et qu'il y ait encore des victimes samedi», a déclaré le vice-président de ce conseil, Aboul Ela Madi, dirigeant du parti islamiste modéré Wassat.

La France a dénoncé «l'usage excessif de la force contre les manifestants» en Égypte.

Des milliers de personnes ont par ailleurs assisté, en présence du grand mufti d'Égypte Ali Gomaa, aux obsèques d'un haut dignitaire religieux, qui faisait partie des neuf tués.

Les affrontements avaient débuté vendredi matin entre les forces de l'ordre et des manifestants qui campaient depuis fin novembre devant le siège du gouvernement pour protester contre la nomination par l'armée de M. Ganzouri, ancien chef du gouvernement sous M. Moubarak.

Les manifestants réclament également la fin du pouvoir militaire qui s'est mis en place au départ de M. Moubarak, et s'en prennent en particulier au chef de l'armée et chef de l'État de fait, le maréchal Hussein Tantaoui.

L'armée est accusée de perpétuer le système répressif hérité de M. Moubarak, et de chercher à maintenir son emprise sur le pouvoir malgré ses promesses de démocratisation.

Les élections législatives qui ont commencé le 28 novembre et doivent se poursuivre jusqu'en janvier se sont traduites par une large domination des formations islamistes, au détriment des partis libéraux et des mouvements issus de la révolte anti-Moubarak.

Une première phase du scrutin, dans un tiers du pays, a donné 65% des voix aux partis islamistes dans leur ensemble, dont 36% pour les Frères musulmans et 24% pour les fondamentalistes salafistes.

Les indications préliminaires sur le vote dans un deuxième tiers de l'Égypte donnent également ces deux courants largement en tête.