Plus de deux mois après la chute de Tripoli, les nouveaux dirigeants libyens continuent de se démener pour garantir la sécurité des dépôts d'armes, arrêter la contrebande des munitions sortant du pays et désarmer des milliers d'ex-rebelles qui ont renversé le régime de Mouammar Kadhafi. Cette dernière opération, très délicate, pourrait prendre des mois.

La communauté internationale a proposé son aide, mais elle attend aussi des Libyens qu'ils passent à la vitesse supérieure. Toutefois, les dirigeants actuels risquent de ne pas être à la hauteur de la tâche. Le président du Conseil national de transition (CNT) Mustafa Abdul-Jalil, répondant aux appels de plus en plus pressants de la communauté internationale, a dit qu'il ne pouvait pas faire grand-chose parce qu'il manque de fonds.

Au mois d'octobre, une équipe de Human Rights Watch a notamment découvert sur un site, dans le désert libyen, des armes qui n'étaient pas gardées, avec des milliers de caisses de munitions.

Les autorités libyennes ont aussi découvert sur deux sites militaires des armes chimiques qui, selon un expert, étaient prêtes à être assemblées et utilisées, ainsi qu'un autre site abritant 7000 barils d'uranium brut. Des spécialistes en armes chimiques sont arrivés en Libye cette semaine pour commencer à protéger ces sites, selon un responsable de l'ONU.

Les autorités craignent que ces matériaux tombent entre de mauvaises mains, notamment des missiles sol-air qui pourraient constituer une menace pour l'aviation civile.

De plus, les milices armées composées d'ex-rebelles ont refusé pour l'instant de rendre leurs armes et il y a eu récemment des règlements de compte entre groupes rivaux, notamment une fusillade cette semaine dans un hôpital de Tripoli. Les dirigeants libyens minimisaient auparavant le danger de cette prolifération d'armes, mais ils sont maintenant de plus en plus inquiets.

Le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, s'est rendu en Libye mercredi pour faire part personnellement de son inquiétude concernant ce problème.

Le Conseil de sécurité de l'ONU a exhorté les autorités libyennes à agir rapidement, disant craindre que les armes tombent entre les mains de terroristes. Les États-Unis ont déjà envoyé des experts en armement en Libye, débloquant environ 40 millions $ (29 millions d'euros) pour détruire les missiles sol-air, qui peuvent être utilisés pour tirer sur des avions.

Mustafa Abdul-Jalil a demandé mercredi à la communauté internationale de débloquer une plus grande partie des milliards de dollars de fonds gelés du régime de Kadhafi pour désarmer les ex-rebelles et contrôler les armes.

Mais pour l'instant, le chaos persiste dans ce domaine. La contrebande d'armes vers l'Égypte «a lieu jour et nuit», contrôlée par de puissantes tribus basées près de la frontière, note Adel al-Mortidi, qui commande les patrouilles surveillant les deux côtés de la frontière. «Nous ne pouvons rien faire pour arrêter ça», assure-t-il.

Selon des dirigeants israéliens, des armes venant de Libye sont arrivées dans la bande de Gaza, qui partage une frontière avec l'Égypte.

Abdel-Hafez Ghoga, un membre du CNT, affirme que la Libye demande l'aide de pays amis, comme le Qatar, pour protéger ses frontières. «Mais il n'y aura pas de troupes (étrangères) sur le terrain parce que cela irait à l'encontre de notre souveraineté nationale», ajoute-t-il.

Vendredi, le nouveau premier ministre libyen Abdel Rahim el-Kib a affirmé que le désarmement des ex-rebelles libyens pourrait prendre des mois et que les armes ne seront pas récupérées par la force. Les nouveaux maîtres du pays avaient initialement déclaré que les armes seraient collectées peu après la chute du régime de Mouammar Kadhafi, proclamée le 23 octobre par le CNT.

M. Kib a averti dans un entretien à la chaîne France 24 que le désarmement des rebelles prendrait «un certain temps». Il a précisé que son gouvernement ne désarmerait les rebelles que lorsqu'il sera en mesure de leur proposer des solutions alternatives, notamment des emplois. Il a dit espérer que cela pourrait être fait avant la fin de la période de transition, censée s'achever avec l'élection en juin d'une Assemblée nationale.