Les combattants des nouvelles autorités libyennes ont pris lundi le contrôle du village de Qasr Abou Hadi, lieu de naissance de Mouammar Kadhafi près de Syrte, une victoire symbolique dans leur lutte pour éradiquer l'héritage de l'ancien dirigeant libyen.

Sur le plan politique, après des semaines d'intenses tractations, le nouveau pouvoir en Libye a finalement simplement annoncé lundi la reconduction d'un exécutif provisoire quasiment inchangé, repoussant la formation d'un gouvernement de transition à la proclamation de la «libération» du pays.

Situé à une vingtaine de kilomètres au sud-est de Syrte, le village de Qasr Abou Hadi, où le dirigeant déchu serait né sous une tente bédouine en 1942, faisait l'objet, depuis une semaine, de combats acharnés et parfois même de frappes de l'OTAN.

«Abou Hadi est totalement libre» de forces pro-Kadhafi, a dit à l'AFP le docteur Taha Soultane dans un hôpital de campagne implanté dans la banlieue est de Syrte. «Notre équipe médicale est revenue du village et nous a dit qu'il a été libéré», a-t-il ajouté.

Plus tôt, un habitant, Saadi Mohammed, éleveur de moutons, avait évoqué des pénuries d'eau, d'électricité et de médicaments à Qasr Abou Hadi soumis à d'intenses combats. «Beaucoup d'habitants ont déjà fui. Quelques-uns sont morts», a-t-il dit.

Dans une villa, des combattants pro-CNT ont saisi des dizaines de caisses de lance-roquettes et de fusils, en expliquant qu'il s'agissait de l'une des multiples caches d'armes de l'ancien régime.

Parallèlement, le président du Conseil national de transition (CNT), Moustapha Abdeljalil, a indiqué lors d'une conférence de presse à Benghazi (est) qu'à l'issue de deux jours de négociations, Mahmoud Jibril et le CNT étaient arrivés «à la conclusion de réformer l'exécutif».

Démissionnaire, Mahmoud Jibril conserve malgré tout la tête de cet exécutif et restera à son poste jusqu'à cette «libération», qui sera annoncée dès la chute de Syrte. Ce nouvel exécutif, sorte de mini-gouvernement responsable depuis mai dernier de l'administration des territoires «libérés», reste quasiment inchangé.

Lundi soir, près de 400 personnes, dont de nombreux combattants du CNT, se sont rassemblées sur la place des Martyrs à Tripoli, pour exprimer leur soutien à l'exécutif et à ses dirigeants.

«Il est important que les gens sachent que le CNT a le soutien du peuple», a déclaré un des manifestants, Misham Alwindi, 24 ans, brandissant le nouveau drapeau libyen. «Nous sommes contre les divisions et les extrémismes de tout bord», a-t-il ajouté.

À Bruxelles, le secrétaire général de l'OTAN, Anders Fogh Rasmussen, a pour sa part exhorté le CNT à «sécuriser», «contrôler» et «détruire» les stocks d'armes de l'ancien régime, tout en se refusant à commenter les informations selon lesquelles des milliers de missiles anti-aériens SAM-7 seraient portés manquants en Libye.

À Syrte, bastion des fidèles du colonel Kadhafi sur la côte à 360 km à l'est de Tripoli, les combats se sont poursuivis, obligeant un convoi de la Croix-Rouge qui tentait de ravitailler les habitants pris au piège à rebrousser chemin.

Deux gros camions portant le signe de l'organisation internationale sont partis en direction de la ville, chargés de matériel médical, de couches et de nourriture. Mais ils ont dû rebrousser chemin devant l'intensité des combats à la roquette et à la mitrailleuse, selon un journaliste de l'AFP.

«Nous n'avons pas lancé d'attaque, nous ne faisions que répliquer», a expliqué le commandant pro-CNT Oussama Swehli Moutaoua.

«Les hôpitaux sont pleins d'hommes en armes, ils (les pro-Kadhafi) ont aussi des salles de commandement à l'intérieur parce qu'ils savent que nous ne visons pas les hôpitaux. Mais eux tirent depuis les hôpitaux ou les universités, ils ne respectent rien», a-t-il dénoncé.

Un médecin du principal hôpital de campagne situé à 50 km à l'ouest de la ville a déclaré avoir reçu la consigne de se préparer à un afflux de blessés, la vaste offensive annoncée sur Syrte étant prévue pour ce lundi. L'information n'a pas été confirmée de source militaire.

Le vicaire apostolique du Vatican en Libye, Mgr Giovanni Innocenzo Martinelli, qui a le rang d'évêque, a appelé les Européens à accueillir des milliers de civils libyens blessés. «À Syrte, la situation est dramatique. Une trêve est nécessaire», a déclaré le vicaire qui dès le début du conflit s'était montré très critique sur les raids aériens de l'OTAN.

À des centaines de kilomètres plus au sud de Syrte, l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) a annoncé l'évacuation par la route de plus de 1.200 migrants, en majorité Tchadiens, bloqués depuis juin dans un centre de transit à Sebha, bastion pro-Kadhafi capturé fin septembre par les pro-CNT.

Les migrants voyageront pendant une semaine par camion jusqu'à Zouarké, à la frontière entre le Tchad et le Niger. Ils seront ravitaillés en vivres et en eau, et recevront également une assistance médicale ainsi que des abris, avant d'être rapatriés dans leur pays respectif.