L'opposition yéménite a accusé le président Ali Abdallah Saleh de chercher à se dérober à un transfert de pouvoir réclamé par les protestataires qui ont manifesté par dizaines de milliers lundi à Sanaa.

Le chef de l'État contesté a affirmé dans un discours dimanche soir qu'il  était prêt à une transition du pouvoir, conformément à l'initiative des monarchies du Golfe, mais par le biais d'élections anticipées.

Or l'initiative des pays du Conseil de Coopération du Golfe (CCG, dont le chef de file est l'Arabie saoudite) prévoit la formation par l'opposition d'un gouvernement de réconciliation et la démission de M. Saleh en échange de l'immunité pour lui-même et ses proches.

«Après ce discours du président, il n'y a plus aucun moyen de parvenir à une solution politique et la révolution va s'intensifier», a déclaré à l'AFP Mohammad Qahtan, porte-parole du Forum commun qui regroupe les partis de l'opposition parlementaire.

«Saleh a montré dans son discours qu'il était toujours accroché au pouvoir, et qu'il refusait l'initiative des pays arabes du Golfe prévoyant un transfert du pouvoir», a-t-il ajouté.

Pour sa part, Walid al-Aamari, un des dirigeants des «Jeunes de la révolution» qui animent la contestation populaire, a affirmé que «les jeunes n'acceptent pas» l'offre du président et qu'ils «poursuivront leur mouvement de protestation jusqu'à la réalisation de leurs objectifs».

Deux manifestations séparées, l'une regroupant des hommes et l'autre des femmes, ont défilé lundi Sanaa, scandant à l'adresse de M. Saleh: «Boucher, nous ne baisserons pas les bras», selon le correspondant de l'AFP.

Les deux manifestations qui ont rassemblé des dizaines de milliers de personnes, se sont déroulées sans incident, les manifestants demeurant dans le secteur contrôlé par les unités de l'armée ralliées à la contestation.

Dix-huit personnes avaient été blessées dimanche par des tirs des forces fidèles à M. Saleh sur une manifestation similaire et un jeune homme est en état de mort clinique.

Au pouvoir depuis 33 ans, M. Saleh est confronté depuis janvier à un mouvement de contestation qui réclame son départ et sa traduction en justice. Dans la capitale, des combats entre les unités militaires qui lui sont fidèles et les militaires dissidents ont fait 173 morts en une semaine avant de s'interrompre samedi.

Alors que les opposants manifestaient, les forces fidèles à M. Saleh organisaient une parade militaire dans une caserne de Sanaa, à l'occasion de l'anniversaire de la révolution du 26 septembre 1962 qui a renversé l'imamat et instauré la république.

Si la situation était calme dans la capitale, des tribus hostiles au chef de l'État ont attaqué dans la nuit une base de La Garde républicaine à Nahem (60 km au nord de Sanaa), tuant un général et prenant trente militaires en otages, selon des sources officielles et tribales.

Le général Abdallah Al-Kuleibi, commandant de la 63e brigade de La Garde républicaine, a été tué dans «l'attaque par les tribus de la région de la base» de cette unité d'élite à Nahem, selon un communiqué du ministère de la Défense.

Quatre combattants tribaux ont été tués et au moins vingt autres blessés dans cet assaut, ont indiqué des sources tribales selon lesquelles les combattants tribaux ont pris en otages trente militaires en se retirant de la base.

Nahem fait partie d'une série de localités qui commandent l'accès nord à Sanaa et la région abrite au moins cinq bases de la Garde républicaine, dirigée par Ahmed Saleh, fils aîné du président yéménite.

Le déploiement de la Garde républicaine dans les régions au nord de Sanaa empêche le général dissident Ali Mohsen al-Ahmar, commandant de la première division blindée, de faire la jonction entre ses troupes qui contrôlent une partie de Sanaa et celles qui tiennent les régions nord du pays.