Le sang a encore coulé en Syrie vendredi avec la mort de 23 manifestants principalement dans le sud, après l'appel sans précédent de l'Occident au départ du président Bachar al-Assad et de nouvelles sanctions de l'Union européenne.

Sous le slogan «les prémices de la victoire», des manifestants appelant à la chute du régime ont bravé les forces de sécurité qui ont ouvert le feu pour les disperser dans plusieurs villes du pays, ont rapporté des militants syriens.

Selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH, basé à Londres), quinze personnes, dont deux enfants de 11 et 16 ans et un septuagénaire, ont été tuées et 25 blessées dans des localités près de Deraa, berceau de la contestation dans le sud.

En outre, un manifestant est mort à Harasta et un autre à Douma, dans la banlieue de Damas, et six autres ont été tués à Homs, selon des militants sur place. Deux autres manifestants, touchés jeudi, l'un dans la banlieue de Damas et l'autre à Homs, ont succombé vendredi à leurs blessures.

L'agence officielle syrienne Sana a pour sa part annoncé que des «hommes armés» avaient attaqué un poste de police près de Deraa, tuant un commissaire et blessant huit de ses hommes. Deux policiers ont aussi été tués et huit autres blessés près de Damas et dans le sud, selon Sana.

Un quadrillage massif des foyers de la contestation et les arrestations massives, visant en particulier des meneurs présumés, limitent l'ampleur des manifestations, le régime restant inflexible face aux appels à l'arrêt de la répression qui a fait quelque 2000 morts depuis le 15 mars.

Pourtant des rassemblements ont eu lieu à Homs, dont l'un a réuni 20 000 personnes, et dans une moindre mesure à Deir Ezzor, à Lattaquié et Banias sur la côte méditerranéenne, dans deux quartiers de Damas et dans plusieurs localités de sa banlieue ainsi que près de Hama, selon des militants.

Et dans la région à majorité kurde du nord-est, près de 10 000 personnes ont défilé à Qamichli et Amouda, selon un militant sur place.

Il était impossible de confirmer ces informations de source indépendante, les autorités limitant fortement les possibilités de déplacement pour la presse.

Pour lutter plus efficacement, l'opposition a décidé de s'unir dans une coalition, l'«Instance générale de la révolution syrienne», fruit de la fusion de 44 groupes et comités de coordination qui animent depuis cinq mois la contestation en Syrie réprimée dans le sang par le régime.

À Damas, la presse officielle s'est déchaînée contre les États-Unis, qui ont appelé jeudi pour la première fois directement au départ de M. Assad.

«On peut se demander si l'administration américaine, qui a perdu toute légitimité populaire dans son pays, est devenue la source de la légitimité en Syrie pour parler au nom du peuple syrien et intervenir dans ses choix et ses affaires», écrivait ainsi le quotidien Techrine.

À Bruxelles, la chef de la diplomatie de l'UE Catherine Ashton a annoncé que 20 nouveaux noms avaient été ajoutés à la liste des personnes et sociétés syriennes touchées par un gel des avoirs et une interdiction de visa.

Les représentants des 27 gouvernements européens ont également décidé de préparer un plan sur un embargo sur les importations de pétrole syrien dans les pays de l'UE et de suspendre l'aide de la Banque européenne d'investissement à la Syrie. L'Europe achète 95% du pétrole exporté par la Syrie, ce qui représente un tiers des recettes du pays.

En outre, Londres, Paris, Berlin et Lisbonne ont annoncé vouloir obtenir une résolution de l'ONU imposant des sanctions, en particulier un embargo sur les armes, un gel des avoirs syriens et une interdiction de voyage pour certains responsables après des révélations sur la répression brutale du régime.

Face à ces mauvaises nouvelles, Damas a obtenu le soutien de la Russie, qui dispose d'un droit de veto au Conseil de sécurité de l'ONU.

«Nous ne partageons pas le point de vue des États-Unis et de l'Union européenne à l'égard du président Bachar al-Assad», a déclaré le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, en appelant «l'opposition à mener un dialogue avec les autorités et prendre ses distances avec les extrémistes».

Indépendamment des débats sur les sanctions, une mission humanitaire de l'ONU doit se rendre en Syrie dans les prochains jours pour témoigner de la répression, selon le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l'ONU.

Le procureur de la Cour pénale internationale, Luis Moreno-Ocampo, a dans ce contexte rappelé qu'il n'avait «à l'heure actuelle» pas compétence pour enquêter sur des allégations de crimes contre l'humanité commis en Syrie, puisqu'il fallait pour cela une saisine par le Conseil de sécurité de l'ONU.