Les forces de sécurité syriennes quadrillaient mardi Lattaquié et tiraient à la mitrailleuse lourde, selon des militants, au lendemain d'opérations ayant fait 18 morts en Syrie et en dépit des critiques internationales, la dernière étant venue mardi soir de Londres.

Le ministre britannique des Affaires étrangères, William Hague, a estimé que le président Bachar al-Assad était «en train de perdre rapidement les derniers lambeaux de sa légitimité» et devait «mettre un terme immédiatement» à la répression.

Dès l'aube mardi, des tirs ont retenti à Lattaquié, premier port de Syrie et cible depuis dimanche d'une vaste offensive de l'armée et des forces de sécurité.

«Des tirs de mitrailleuses lourdes ont été entendus dans des quartiers de Lattaquié, à al-Raml al-Jounoubi, Masbah al-Chaab et Aïn Tamra pendant plus de trois heures entre 22h00 et 01h30», a précisé l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH) dans un communiqué.

Les forces armées et de sécurité ont pris d'assaut les quartiers d'al-Sakentouri et d'al-Raml al-Jounoubi, où au moins 40 personnes ont été interpellées. Dans le quartier d'Al-Chaab, «des maisons vétustes se sont écroulées», selon la même source.

Selon l'agence de presse Sana, relayant la parole officielle, «les forces de l'ordre pourchassent des hommes armés à al-Raml al-Jounoubi et dans les quartiers voisins afin d'y ramener le calme et la sécurité».

Selon Sana, citant un responsable syrien, «les groupes armés ont ouvert le feu sur les habitants et les ont terrifiés».

Mais Tariq, un habitant de Lattaquié a raconté lundi soir à l'AFP que «le régime attaque les quartiers sunnites de la ville. Il a armé les habitants de la banlieue alaouite près de Qanin».

Le régime du président Assad, qui appartient à cette branche de l'islam chiite, s'appuie de longue date sur cette communauté minoritaire en Syrie.

Les forces de sécurité ont ouvert le feu sur une foule participant à des funérailles et «arrêté de nombreuses personnes», a ajouté Tariq.

Sana, citant un officier du ministère de l'Intérieur, a annoncé mardi soir la fin de la mission de l'armée à al-Raml al-Jounoubi et affirmé que «les citoyens ont commencé à reprendre leur vie normale».

Le quotidien syrien al-Watan (proche du pouvoir) affirmait mardi qu'à Lattaquié «la situation était sous contrôle, particulièrement après que l'armée a arrêté des dizaines d'hommes armés lors d'une opération complexe».

Aucune confirmation n'a pu être obtenue de source indépendante car les journalistes étrangers ne sont pas autorisés à se rendre sur place.

Lundi, six civils sont morts à Lattaquié où 26 personnes avaient péri dimanche.

Selon l'Agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens (UNRWA), plus de la moitié des 10 000 réfugiés palestiniens du camp de Raml à Lattaquié ont dû fuir après les tirs. L'UNRWA a réclamé un accès immédiat au camp.

A Homs (centre), les forces de sécurité ont ouvert le feu mardi matin dans les quartiers de Bab al-Sibaa et Bayada, procédant à des perquisitions, selon un militant sur place qui a avancé le chiffre de 12 morts lundi dans la région.

Pour étouffer la contestation, le régime a envoyé les forces armées à Hama (nord), Deir Ezzor (est) et plusieurs localités dans le gouvernorat d'Idleb, proche de la frontière turque. La répression a fait selon des ONG 1800 morts civils depuis le 15 mars.

A Deir Ezzor toutefois, l'armée s'est retirée en début d'après-midi sous les vivats de certains habitants, a constaté une journaliste de l'AFP lors d'un voyage de presse organisé par le régime.

Mais dans la soirée, un civil a été tué par des tirs des forces de sécurité qui ont ouvert le feu pour disperser des manifestants réunis à l'issue de la prière nocturne, selon l'OSDH.

Le ministre syrien des Affaires étrangères Walid Mouallem, cité par Sana, a parlé une nouvelle fois de «complot», accusant «certains pays d'exercer des pressions sur la Syrie sous prétexte de faire cesser la violence, en voulant ignorer que les crimes perpétrés par les groupes terroristes armés sont à l'origine des violences».

La Turquie, l'Arabie saoudite et la Jordanie ont dénoncé la poursuite de la répression.

«Les opérations doivent immédiatement cesser (...) Sinon nous n'aurons plus aucun sujet de discussion», a dit le chef de la diplomatie turque Ahmet Davutoglu, laissant présager une dégradation des relations bilatérales, autrefois excellentes, entre les deux voisins.

Pour les États-Unis, le président Assad a perdu sa légitimité et son peuple «se porterait mieux sans lui».

Mais la secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton a estimé qu'il serait plus efficace que la Turquie ou l'Arabie saoudite exhortent Bachar al-Assad à quitter le pouvoir plutôt que les États-Unis, car ils ont une plus grande influence.

Pour sa part, l'Iran, allié traditionnel de Damas, a estimé que le mouvement de révolte était «une affaire intérieure».

L'organisation de défense des droits de l'Homme Human rights watch (HRW) a de son côté demandé le gel des avoirs des compagnies publiques syriennes de pétrole et de gaz, pour faire pression sur le régime