Les forces syriennes patrouillaient lundi dans la ville côtière de Lattaquié (nord-ouest), au lendemain d'une offensive meurtrière qui a poussé à la fuite des milliers de Palestiniens, alors que les arrestations se multipliaient dans d'autres villes.

Les organisations de défense des droits de l'Homme ont dénombré trois morts lundi, ainsi que le décès d'un homme qui a succombé après avoir été blessé vendredi.

Selon l'Agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens (UNRWA), plus de la moitié des 10 000 réfugiés palestiniens du camp de Raml à Lattaquié ont dû fuire à la suite de tirs des forces de sécurité syriennes. L'UNRWA a réclamé un accès immédiat au camp.

Un haut dirigeant de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) a qualifié cette offensive de «crime contre l'humanité», dirigé «contre le peuple palestinien et leurs frères syriens».

Dimanche, 30 civils avaient été tués, dont 26 à Lattaquié, principal port du pays, dans une offensive qui a vu l'intervention de navires de guerre, pour la première fois depuis le début de la révolte mi-mars, selon des militants. L'agence officielle syrienne Sana a démenti toute opération maritime.

Les États-Unis ont indiqué lundi qu'ils n'étaient pas en mesure de confirmer que des navires de guerre syriens ont participé pour la première fois à une attaque en Syrie en ouvrant le feu contre le port de Lattaquié.

Lundi, l'offensive était uniquement terrestre à Lattaquié. Des chars équipés de mitrailleuses lourdes pilonnaient les quartiers de Raml et de Masbah al-Chaab, a affirmé l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH, basé en Grande-Bretagne), ajoutant qu'environ 300 personnes avaient été arrêtées dans d'autres quartiers.

De nombreux habitants de ces quartiers, autorisés par l'armée à quitter les lieux, ont ensuite été pris pour cible pendant leur fuite.

«L'un d'eux est mort à un poste de contrôle sous des tirs de l'armée et cinq autres ont été blessés», a dénoncé l'OSDH. «Une femme a également été tuée alors qu'elle quittait le quartier de Raml», a ajouté l'organisation dans un communiqué.

Selon une habitante de la ville, les forces de sécurité tirent depuis les toits. «Ils ouvrent le feu sans raison, et on n'entend personne leur répliquer», a-t-elle ajouté, précisant que l'armée avait vidé une école technique pour y entasser des détenus.

Dans le reste du pays, l'armée a pénétré lundi dans plusieurs localités de la région de Homs (centre), en particulier à Houla, où un vieil homme a été tué par des tireurs embusqués, a annoncé l'OSDH. Une autre organisation a annoncé qu'il y avait un «grand nombre de chars» à Houla.

A Deir Ezzor (est), un homme de 67 ans a succombé à ses blessures après avoir été touché vendredi par un tireur.

Dans le gouvernorat d'Idleb (nord-ouest), une trentaine de véhicules ont pris d'assaut des villages de la région de Maaret al-Noman, et 8 personnes ont été arrêtées, selon les militants.

Sana a annoncé lundi la nomination d'un nouveau gouverneur à Alep (nord), deuxième ville de Syrie et théâtre de manifestations ces dernières semaines. Le régime avait déjà changé les gouverneurs de Homs, Hama (centre) et Deraa (sud), où est né le mouvement de contestation.

En cinq mois de révolte, près de 1800 civils ont été tués en Syrie, selon un décompte de l'OSDH. Pour les seules deux semaines écoulées depuis le début du ramadan (début août), les comités de coordination ont dénombré 260 morts, dont 14 femmes et 31 enfants.

Le ministre turc des Affaires étrangères, Ahmet Davutoglu, a appelé Damas à «mettre fin immédiatement aux opérations» militaires visant la population civile. «Sinon nous n'aurons plus rien à discuter» avec le régime syrien, a souligné le ministre, semblant prédire une dégradation des rapports bilatéraux, autrefois excellents, entre les deux pays qui partagent une longue frontière.

Un autre voisin de la Syrie, la Jordanie, a fait de même: le Premier ministre Maarouf Bakhit a téléphoné à son homologue syrien Adel Safar pour réclamer la fin «immédiate» de la violence et prévenir que «la colère et le refus face au bain de sang en Syrie allaient croissant dans le monde».

Aux États-Unis, la Maison-Blanche a estimé une fois de plus que le président syrien Bachar al-Assad avait perdu sa légitimité et que son peuple «se porterait mieux sans lui».

Selon le journal El Pais citant une source diplomatique, le Premier ministre espagnol Jose Luis Zapatero a envoyé en juillet un émissaire en Syrie pour présenter un plan de sortie de crise et proposer l'asile à la famille Assad. «Il ne va rien céder d'essentiel», a déclaré l'émissaire à son retour.

A Ramallah (Cisjordanie), quelque 400 jeunes Palestiniens ont organisé un sit-in dimanche soir en «solidarité avec le peuple syrien». «Bachar, tu es un couard, envoies ton armée sur le Golan (le plateau syrien dont Israël a annexé une grande partie en 1981)», ont-ils scandé.

L'organisation Human Rights Watch a pour sa part réclamé une réunion en urgence de la Ligue arabe sur la Syrie. «La région change, et la Ligue arabe devrait faire de même» en rompant avec son histoire de «club fermé d'autocrates qui soutiennent les crimes les uns des autres» et en commençant à «défendre les intérêts des citoyens».