Le président syrien Bachar al-Assad est de plus en plus isolé, lâché par trois pays du Golfe dont l'Arabie saoudite, et condamné par la plus haute institution de l'islam sunnite Al-Azhar, mais rien ne semble pouvoir arrêter la machine de guerre du régime qui a fait quatre morts lundi.

Dans sa première réaction publique depuis le début de la contestation populaire en Syrie il y a près de cinq mois, le roi saoudien Abdallah a annoncé dimanche soir le rappel de son ambassadeur pour «consultations», en appelant le régime syrien à «arrêter la machine de mort» «avant qu'il ne soit trop tard».

Il a été suivi par le Koweït et Bahreïn qui ont décidé d'une mesure similaire, les trois monarchies arabes du Golfe se joignant ainsi au concert de protestations internationales contre la répression de la révolte en Syrie qui a coûté la vie à plus de 2.000 personnes, en majorité des civils, depuis le 15 mars, selon des ONG syriennes.

«Personne ne peut accepter l'effusion de sang en Syrie (...) L'option militaire doit cesser», a déclaré le chef de la diplomatie koweïtienne, Mohammed al-Sabah, en faisant état d'une prochaine réunion des six monarchies arabes du Golfe sur la Syrie.

La prestigieuse institution sunnite Al-Azhar au Caire est également sortie du silence. Dans un communiqué, l'imam d'Al-Azhar Ahmed al-Tayyeb a dénoncé une situation «inacceptable» qui «a dépassé les limites» précisant avoir «longtemps patienté» pour s'exprimer «en raison de (la) sensibilité» de la situation.

Ces annonces sont survenues après une nouvelle journée sanglante où l'armée, chargée de mater les manifestations, a tué 54 civils dimanche, en grande majorité dans la ville de Deir Ezzor (nord-est), selon des militants des droits de l'Homme. Lundi, quatre civils y ont aussi péri.

Dans une nouvelle tentative de convaincre le pouvoir de cesser de réprimer la contestation, le chef de la diplomatie turque Ahmet Davutoglu est attendu mardi à Damas pour adresser un message fort aux autorités, Ankara se disant «à bout de patience».

La secrétaire d'État américaine Hillary Clinton a demandé à M. Davutoglu de leur dire de «renvoyer les soldats dans leurs casernes».

Mais la tâche du ministre turc semble ardue, le régime refusant de reconnaître l'ampleur de la contestation et continuant d'accuser des «hors-la-loi» de semer le chaos pour justifier le recours à la force.

Le président Assad a, parallèlement à la répression, annoncé des réformes -élections libres, multipartisme, levée de l'état d'urgence- mais sa crédibilité est fortement entamée autant à l'international qu'en interne et la violence de la répression a radicalisé les manifestants qui veulent désormais son départ.

L'opposition exige une réforme en profondeur de la Constitution qui dans sa forme actuelle garantit au seul parti Baas, au pouvoir depuis 1963, le statut de «dirigeant de l'État et de la société».

Après les sanctions imposées par l'Occident au régime Assad et les appels de la Russie, du Conseil de sécurité de l'ONU et des monarchies du Golfe à cesser la répression, la Ligue arabe l'a exhorté à mettre «immédiatement» fin aux violences.

Le roi saoudien a, lui, été plus loin. Outre le rappel de son ambassadeur, il a estimé dans un communiqué que la répression des protestataires syriens «contrevient à la religion, aux valeurs humaines et à la morale».

L'Union européenne (UE) envisage de son côté de nouvelles sanctions, après l'interdiction de visa et le gel d'avoirs visant une quarantaine d'individus et de sociétés proches du régime, a-t-on appris lundi de sources diplomatiques.

Mais M. Assad, qui a succédé à son père Hafez el-Assad, mort en 2000, est resté sourd aux protestations. Son régime a rejeté les ingérences étrangères et accusé les médias internationaux, interdits de circuler librement en Syrie, de diffuser des «mensonges».

Malgré la répression, le mouvement de contestation ne s'essouffle pas. Pour le mois de jeûne musulman du ramadan, commencé le 1er août, les militants organisent des défilés quotidiennement après la prière du soir.

Dans la nuit de dimanche à lundi, des manifestations appelant à la chute du régime ont eu lieu à Homs (centre) et Alep (nord), deuxième ville du pays, selon des ONG.

Selon Rami Abdel Rahmane, président de l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), les forces de sécurité ont poursuivi leurs interventions lundi à Deir Ezzor, menant des perquisitions après un pilonnage à l'aube. Une femme et ses deux enfants qui tentaient de fuir leur quartier ont été tués par une patrouille de la sécurité, alors qu'une femme âgée a péri dans un autre secteur de la ville.

À Idleb (nord-ouest), des chars et des transports de troupes blindés ont pénétré dans la localité de Maaret al-Noumane et les forces ont procédé à des arrestations, selon des témoins.

Mais comme d'habitude, les médias officiels ont justifié l'intervention de l'armée par la «présence de groupes terroristes» en omettant de mentionner le mouvement de contestation.