Cent personnes ont été tuées dimanche et des dizaines d'autres blessées lors d'une vaste offensive de l'armée à Hama, ville rebelle du centre de la Syrie, pour «l'une des journées les plus sanglantes» depuis le début de la révolte à la mi-mars, selon des militants.

«Cent civils ont été tués dimanche à Hama par des tirs des forces de sécurité qui accompagnaient l'armée lorsqu'elle a pénétré en force dans la ville de Hama», a déclaré Abdel Karim Rihaoui, président de la Ligue syrienne de défense des droits de l'Homme (LSDDH).

Cinq personnes sont mortes à Homs (centre) quand des habitants sont descendus dans la rue en soutien à Hama, située juste au nord. Et il y a eu trois morts dans la province d'Idleb (nord-ouest), a-t-il ajouté.

Ammar Qourabi, président de l'Organisation nationale des droits de l'Homme (ONDH), a également annoncé que 19 personnes avaient été tuées à Deir Ezzor (est), six à Harak (sud) et une à Boukamal (est).

Rami Abdel Rahmane, chef de l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), a aussi fait état de deux morts à Sourane, près de Hama, ce qui porte le bilan total à 136 morts. «C'est l'un des jours les plus sanglants» depuis le début de la révolte le 15 mars, a-t-il déclaré.

Le président américain Barack Obama s'est dit «horrifié» et a assuré que Washington allait chercher à isoler un peu plus Damas, tandis que l'attaché de presse de l'ambassade américaine à Damas a estimé sur la BBC que l'assaut lancé contre Hama était un acte «désespéré» de la part du régime.

Rome a réclamé une réunion d'urgence du Conseil de sécurité de l'ONU, suivie quelques heures plus tard de l'Allemagne, qui préside le conseil jusque lundi avant de céder le fauteuil à l'Inde.

Londres a dénoncé des attaques injustifiées «d'autant plus choquantes» qu'elles ont lieu à la veille du mois sacré du ramadan.

Le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, a lui «vigoureusement condamné l'usage de la force contre la population civile» en demandant instamment au gouvernement d'«arrêter cette violente offensive» et en rappelant au régime de Damas qu'il est responsable de «tous les actes de violences commis» contre la population.

La Turquie, dont les liens avec la Syrie s'étaient resserrés ces dernières années, s'est dite «attristée et déçue» et a demandé au régime syrien de mettre fin à ces opérations militaires qui «n'apporteront pas une solution».

«La Syrie est en sang», ont dénoncé les militants du site internet «Syrian Revolution 2011», moteur de la contestation, appelant à des «manifestations de représailles» dimanche soir à la sortie des mosquées après les «Tarawih», les prières nocturnes pendant le ramadan qui commence dans la soirée.

Selon M. Abdel Rahmane, 4000 personnes sont descendues dans les rues de Harasta, près de Damas, en signe de solidarité avec Hama. Les forces de sécurité ont ouvert le feu, faisant 10 blessés, dont au moins un très grave.

Depuis le début de la contestation le 15 mars contre le régime de Bachar al-Assad, la répression a fait quelque 2000 morts, dont plus de 1600 civils, selon des organisations de défense des droits de l'Homme.

«L'armée est entrée vers 02h00 à proximité de la mosquée al-Serjaoui et aux environs de la caserne», a raconté un habitant de Hama, à 210 km au nord de Damas, joint par téléphone par l'AFP, tandis que plusieurs témoins ont signalé la présence de chars et de véhicules blindés.

L'agence officielle Sana, qui impute depuis des mois les troubles à des bandes armées, a annoncé que deux militaires avaient été tués «par des groupes armés à Hama», qui ont «incendié des postes de police» et «dressé des barrages dans les rues».

Le pouvoir tente depuis plusieurs semaines de soumettre Hama, théâtre d'immenses manifestations contre le pouvoir, qui ont réuni, selon l'OSDH, plus de 500 000 personnes chaque vendredi depuis début juillet. Cette ville est déjà un symbole de la lutte contre le régime depuis la terrible répression en 1982 d'une révolte des Frères musulmans, qui avait fait 20 000 morts.

A Deir Ezzor, 19 personnes ont été tuées par balles par des snipers «postés sur les toits», la plupart touchées «à la tête et à la poitrine», selon la LSDDH. Selon Sana, «un colonel et deux soldats ont été tués par des hommes armés» dans cette ville devenue l'un des principaux foyers de la contestation.

Selon M. Abdel Rahman, des manifestants ont mis le feu à 24 véhicules de transport de troupes dans la région de Masrib, à l'ouest de Deir Ezzor, en lançant des cocktails molotov sur le convoi militaire pour l'empêcher d'aller vers Deir Ezzor.

Au moins 50 000 personnes avaient manifesté vendredi à Deir Ezzor contre le régime, puis 300 000 avaient participé aux funérailles de civils tués au cours de rassemblements précédents, selon l'OSDH.

Dans la région de Damas, l'armée a lancé dimanche une attaque sur la ville de Mouadhamiya, selon l'OSDH. Des chars bouclent les entrées sud, est et ouest de la ville, a indiqué M. Abdel Rahmane, tandis que la Ligue syrienne des droits de l'Homme évoquait plus de 300 personnes arrêtées dans cette ville, privée d'électricité et de moyens de communication.

En signe de protestation, des habitants ont bloqué en plusieurs endroits l'autoroute reliant Alep (nord) à la capitale.