Le premier ministre égyptien Essam Charaf s'apprête à annoncer un vaste remaniement, avec des changements déjà prévus aux Affaires étrangères et aux Finances, visant à apaiser les critiques contre le gouvernement de transition et l'armée, qui dirige le pays.

M. Charaf doit annoncer d'ici lundi une refonte de son équipe, mais, selon l'agence officielle Mena, il a déjà dimanche soumis une nouvelle liste de ministres au Conseil suprême des forces armées (CSFA), à la tête de l'Égypte depuis le départ d'Hosni Moubarak.

Ce remaniement vise à répondre aux attentes des manifestants qui campent depuis une dizaine de jours sur la place Tahrir au Caire et réclament notamment la mise à l'écart de personnalités jugées proches de l'ancien pouvoir.

Selon la presse, une quinzaine de ministres au total pourraient être remplacés.

M. Charaf s'est déjà choisi samedi deux adjoints à la tête du gouvernement, un économiste expérimenté, Hazem Beblawi, et Ali al-Silmi, un membre influent du Wafd, un parti libéral dans l'opposition du temps du président Moubarak.

Ils remplacent le premier ministre adjoint Yahia el-Gammal, qui avait démissionné dans le courant de la semaine.

M. Beblawi supervisera la politique économique dans le futur gouvernement remanié et M. Silmi sera chargé des questions liées à la «transition démocratique».

M. Beblawi cumulera également ses fonctions avec celles de ministre des Finances, un poste détenu par Samir Radwane, démissionnaire après avoir connu des déboires avec un projet de budget revu de fond en comble à la demande des militaires.

Le ministre des Affaires étrangères, Mohammed al-Orabi, a quant à lui annoncé dès samedi soir sa démission.

Diplomate de carrière et ancien ambassadeur sous M. Moubarak, M. Orabi était jugé par nombre de manifestants comme proche du régime renversé le 11 février dernier.

Il a indiqué qu'il démissionnait, quatre semaines à peine après sa nomination, «pour épargner au premier ministre tout embarras pendant les négociations sur le remaniement en cours», a indiqué l'agence officielle Mena.

Le gouvernement de M. Charaf est chargé de gérer la transition jusqu'aux élections législatives qui doivent avoir lieu en octobre ou novembre, sous la tutelle du CSFA.

Une partie de la population accuse le pouvoir de faire traîner les réformes démocratiques et sociales promises.

De nombreux Égyptiens lui reprochent également de manquer de fermeté pour faire juger les dignitaires de l'ancien régime et les policiers responsables de la répression lors du soulèvement de janvier-février, qui a fait officiellement près de 850 morts.

L'armée, de plus en plus ouvertement montrée du doigt, a promis de limiter le recours aux tribunaux militaires pour juger des civils, un des griefs principaux des manifestants.

Selon des organisations de défense des droits de l'Homme, entre 6000 et 10 000 procès se sont tenus depuis février devant des cours militaires.

Le CSFA s'est engagé à ne plus y juger que les affaires de viols, d'agressions de policiers et d'attaques armées.

Mais l'armée a également prévenu que, si elle respectait les manifestations pacifiques, elle interviendrait en cas d'atteintes aux biens publics ou privés.

Les protestataires qui continuaient dimanche de camper sur la place Tahrir ont rendu hommage samedi à une victime de la révolte anti-Moubarak, Moustafa Ahmed Mosbah, 25 ans, décédé cinq mois et demi plus tard des suites de blessures par balle reçues le 28 janvier.

Son cercueil orné d'un drapeau égyptien a été porté au milieu d'une procession de plusieurs centaines de personnes.