Saïf Al-Islam Kadhafi, deuxième fils du Guide libyen et porte-parole officieux du régime, a affirmé que Tripoli menait les véritables négociations sur le conflit en Libye avec la France et non avec les rebelles, dans un entretien publié lundi par le quotidien algérien El Khabar.

«Nous tenons en réalité les véritables négociations avec la France et non avec les rebelles» libyens, a déclaré Saïf Al-Islam au journal arabophone.

Selon le rédacteur en chef du quotidien algérien, Mohamed Baghali, l'entretien a été réalisé samedi soir à Tripoli.

«Nous avons reçu par l'intermédiaire d'un envoyé spécial, qui a rencontré le président français (Nicolas Sarkozy), un message clair de Paris. Le président français a très franchement dit à notre émissaire que «c'est nous qui avons créé ce conseil (Conseil national de transition) et sans le soutien de la France, l'argent et les armes, il n'existerait pas»», a-t-il précisé.

«Le président Sarkozy a insisté que c'était lui l'interlocuteur de Tripoli, et non les rebelles», a ajouté le fils du colonel Mouammar Kadhafi.

«Les Français nous ont informés officiellement qu'ils voulaient mettre en place un gouvernement de transition en Libye. Sarkozy a dit à un émissaire libyen: j'ai une liste et ceux-là sont les hommes de la France», a dit Saïf Al-Islam.

Le fils du colonel Kadhafi a également affirmé que des «forces spéciales françaises déployées dans l'Ouest libyen avaient organisé l'opération de parachutage d'armes aux rebelles libyens».

Il a aussi accusé Paris d'envoyer des soldats dans l'ouest de la Libye pour aider la rébellion.

«Selon des rapports des services de renseignements, la France est en train de parachuter dans l'Ouest libyen des troupes pour combattre aux côtés des rebelles et attaquer Tripoli», a-t-il assuré.

Le fils du dirigeant libyen a estimé que Paris reproche à la Libye de «ne pas avoir tenu ses engagements envers la France concernant l'achat d'avions Rafale et de réacteurs nucléaires».

«S'ils ont décidé de nous bombarder parce que nous avons mis du retard à honorer des engagements commerciaux, ce n'est pas logique», a-t-il dit.

Il ajoute que «les groupes islamistes sont les plus influents à Benghazi. Un dialogue a commencé avec eux sous une médiation égyptienne au Caire, mais les Français ont empêché le groupe de Benghazi de poursuivre les négociations».

Pas de négociations directes

La France fait passer des «messages» au régime libyen de Mouammar Kadhafi, mais «il n'y a pas de négociations directes», a déclaré lundi le porte-parole du ministère français des Affaires étrangères, Bernard Valero.

Le porte-parole était interrogé sur les déclarations de Saïf al-Islam Kadhafi qui a affirmé que Tripoli menait les «véritables négociations» sur le conflit en Libye avec la France.

«La France est favorable à une solution politique comme elle l'a toujours dit. Il n'y a pas de négociations directes entre la France et le régime de Kadhafi, mais nous lui passons des messages, en liaison avec le CNT (Conseil national de transition, instance de la rébellion, ndlr) et nos alliés», a déclaré Bernard Valero.

«Ces messages sont simples et sans ambiguïté: toute solution politique passe par le retrait de Kadhafi du pouvoir et son renoncement à tout rôle politique», a-t-il ajouté.

Le ministère français des Affaires étrangères a ainsi réaffirmé qu'une solution au conflit était subordonnée à l'abandon par le dirigeant libyen de tout rôle politique.

Il était interrogé sur cette question après des déclarations du ministre de la Défense Gérard Longuet, qui a laissé entendre que Mouammar Kadhafi pourrait rester à Tripoli, proche du pouvoir, après une cessation des hostilités et un début de dialogue entre les parties libyennes.

«On s'arrête de bombarder dès que les Libyens parlent entre eux et que les militaires de tous bords rentrent dans leur caserne et ils peuvent parler entre eux puisqu'on apporte la démonstration qu'il n'y a pas de solution de force», a-t-il indiqué dimanche soir dans une émission radio-télévisée sur BFMTV et RMC.

Et si le leader libyen Mouammar Kadhafi n'est pas parti? «Il sera dans une autre pièce de son palais avec un autre titre», a répondu M. Longuet.

«L'idée que Kadhafi doit partir est désormais admise par tout le monde», a déclaré de son côté le chef de la diplomatie française Alain Juppé, lundi, dans un entretien au quotidien Sud-Ouest.

«Même s'ils ne le disent pas ouvertement, la majorité des pays africains ont compris que Kadhafi devait s'écarter du pouvoir. La question n'est pas de savoir s'il doit partir, mais quand et comment», a-t-il poursuivi.

«En Libye même, à condition qu'il abandonne toute action politique? Au-dehors avec des garanties? Je n'ai pas la réponse, mais l'Union africaine (UA) y travaille. Sa médiation peut être utile, et nous souhaitons que l'UA participe le 15 juillet, à Istanbul, à la réunion du groupe de contact», a-t-il ajouté.