Le régime syrien a limogé samedi le gouverneur de Hama au lendemain du déroulement dans cette ville du nord de la plus grande manifestation depuis le début de la contestation, que les autorités continuent de réprimer dans le sang, avec 28 civils encore tués vendredi.

Ahmad Khaled Abdel-Aziz a été démis de ses fonctions de gouverneur par un décret du président Bachar al-Assad, a annoncé l'agence officielle Sana sans donner d'autres précisions.

Au cours de la journée de mobilisation de vendredi, baptisée «Dégage!» par les militants pour la démocratie, à l'intention du président Assad, Hama a été le lieu de «la plus grande manifestation contre le régime» depuis le début du mouvement de contestation, le 15 mars dernier, d'après le président de l'Observatoire syrien des droits de l'homme Rami Abdel-Rahmane.

Les manifestants, au nombre d'un demi-million au moins, a-t-il dit, s'étaient rassemblés sur la place al-Assi, lieu de rendez-vous traditionnel des contestataires.

Le défilé s'était étiré sur «plus d'un kilomètre» et aucune présence des forces de sécurité n'avait été constatée, avaient précisé les militants.

Hama, agglomération située à 210 km au nord de Damas, avait été en 1982 le théâtre de répressions ayant fait 20 000 morts lorsque le mouvement interdit des Frères musulmans s'était soulevé contre le régime d'Hafez al-Assad, le père de l'actuel chef de l'État.

Lourd bilan humain

Au total, 28 civils ont été tués vendredi par les forces de sécurité qui ont tiré sur les manifestants dans plusieurs villes, a annoncé samedi l'Organisation nationale des droits de l'homme.

Le bilan le plus lourd a été enregistré à Idleb, dans le nord-ouest de la Syrie, en proie à une offensive de l'armée depuis plusieurs jours, où «16 personnes» ont péri, selon cette ONG dirigée par Ammar Qorabi.

Elle a en outre fait état de huit morts à Homs (centre), de deux à Damas, d'une personne tuée dans la ville côtière de Lattaquié, et d'une autre à Alep (nord), capitale économique et deuxième ville de Syrie.

Vendredi, «les manifestants ont défilé dans au moins 268 régions en Syrie, contre 202 la semaine dernière», a affirmé M. Qorabi dans un communiqué.

Leur nombre, des centaines de milliers, «a été un des plus importants» depuis le début des protestations sans précédent contre le pouvoir.

À Homs, à 160 km au nord de la capitale syrienne, «plus de 100 000 personnes» ont participé aux protestations, a raconté un militant des droits de l'homme.

«Des chars de l'armée ont pénétré dans le quartier de Baba Amr», a déclaré le numéro un de l'Observatoire syrien des droits de l'homme Rami Abdel-Rahmane.

Un autre militant a fait état de l'«arrivée de chars de l'armée aux abords du quartier de Bab Sebaa».

Pour sa part, la télévision officielle syrienne a signalé deux blessés dans les rangs des forces de l'ordre à Homs.

Dans le même temps, des dizaines de milliers de manifestants ont défilé à la sortie des mosquées à Deir Ezzor (est) ainsi que dans la région de Jabal al-Zawiya (nord-ouest), où les militaires ont déclenché mardi une offensive, a fait savoir le président de la Ligue syrienne des droits de l'homme Abdel-Karim Rihaoui.

À Salamié, au sud-est de Hama, environ 10 000 personnes ont manifesté, des cartons rouges à la main, pour symboliser leur volonté de voir le président s'en aller, et scandant «Dégage! Dégage!» à son adresse.

De son côté, la télévision officielle a montré des rassemblements destinés à soutenir le chef de l'État à Alep et à Soueida (sud). Les personnes présentes agitaient des drapeaux syriens et scandaient: «Dieu, la Syrie, Bachar et c'est tout».

«Le peuple syrien connaît sa voie; il a une vision claire, il n'acceptera pas moins qu'un véritable changement politique. Il sait que le changement signifie la chute du régime et le régime le sait très bien», a dit Yassine Haj Saleh, une figure de proue de l'opposition, aux comités de coordination de la Révolution qui chapeautent les manifestants.

«Malgré la solution sécuritaire choisie par le régime et l'encerclement des villes (...), le régime n'a pas réussi à arrêter les manifestations, ni à amener les insurgés à faire usage de violence. Le message est le suivant: la Révolution syrienne est et demeurera pacifique», a affirmé Mazen Darouiche, un militant des droits de l'homme.

La secrétaire d'État américaine, Hillary Clinton, a, quant à elle, dénoncé vendredi «l'incohérence» du pouvoir syrien, qui a autorisé une réunion d'opposants, lundi à Damas, avant de procéder à de nouvelles répressions.

«Il est parfaitement évident que le temps presse pour le gouvernement syrien», a-t-elle souligné, donnant le choix au régime entre «un processus politique sérieux» et «une résistance de plus en plus organisée.»