L'armée syrienne a étendu dimanche son offensive à Kseir, une localité proche du Liban, poussant des centaines de personnes à se réfugier de l'autre côté de la frontière, à la veille d'une réunion inédite d'une centaine d'opposants à Damas.

«Des tirs étaient entendus dans la nuit dans la ville de Kseir», a dit le président de l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH) Rami Abdel Rahmane, basé à Londres. «Des centaines d'habitants de Kseir ont fui vers le Liban», a-t-il ajouté, citant des témoins.

«Entre 350 et 400 personnes sont arrivées vendredi et samedi», a confirmé à l'AFP Ali Hammoud le responsable local du village libanais de Kunaissat, frontalier avec la Syrie.

Ils sont là «juste par précaution après avoir entendu des rumeurs sur une probable propagation de la violence», a-t-il raconté.

Une évaluation exacte du nombre de réfugiés est difficile, car aucune autorité, syrienne ou libanaise, ne surveille la frontière et ses dizaines de sentiers sinueux, généralement utilisés pour la contrebande.

Samedi, au moins quatre civils ont été tués par les forces de sécurité, dont deux à Kseir. Les autorités ont renforcé leur présence dans ce village depuis vendredi, procédant à plusieurs arrestations, selon l'OSDH.

L'ONG a recensé plus de 200 autres interpellations samedi soir à travers le pays, dont 80 dans les alentours de Damas.

Par ailleurs, des opposants syriens indépendants ont annoncé qu'ils allaient tenir une réunion lundi dans un hôtel à Damas.

C'est la première fois depuis le début de la révolte, le 15 mars, que des protestataires se réunissent ainsi au grand jour, a noté l'avocat des droits de l'Homme Anouar Bounni, soulignant que la rencontre «n'inclura pas de partis de l'opposition».

Ce rassemblement, qui réunira durant une journée près de 100 intellectuels, est «destiné à examiner la situation pour sortir de la crise», a fait valoir Me Bounni, fraîchement libéré après cinq ans derrière les barreaux.

«Les opposants ont rejeté une offre de dialogue faite par le pouvoir syrien, exigeant auparavant l'arrêt du recours à la force contre les manifestants et le retrait des chars des rues, a indiqué à l'AFP l'un d'eux sous le couvert de l'anonymat.

«Les opposants n'iront pas au dialogue avec le pouvoir si un climat adéquat n'est pas créé», a déclaré pour sa part à l'AFP l'écrivain et opposant syrien Michel Kilo.

«Les gens doivent avoir le droit de manifester pacifiquement, les détenus doivent être libérés, les autorités doivent reconnaître l'existence de l'opposition, et le recours à la force doit cesser, sinon le dialogue ne réussira pas», a assuré M. Kilo qui a purgé une peine de trois ans de prison pour avoir signé une déclaration affirmant la souveraineté du Liban voisin.

Le quotidien Al-Watan, proche des cercles du pouvoir, a expliqué dimanche que l'armée poursuivait ses opérations à Jisr al-Choughour (nord-ouest) afin de «pourchass(er) les groupes armés qui ont commis des crimes horribles» dans cette région proche de la Turquie.

«L'armée maîtrise le village de Khirbet al-Joz» investi jeudi, à moins d'un kilomètre de la frontière turque, indique le journal.

Al-Watan affirme par ailleurs que ce village «sert actuellement de passage aux groupes armés en provenance» de Turquie. Plus de 700 «terroristes» ont fui de l'autre côté de la frontière avec leur famille, a dit pour sa part le porte-parole de l'armée syrienne, Riad Haddad, dans une interview avec la chaîne américaine CNN.

Jeudi des centaines de soldats appuyés par des chars avaient investi Khirbet al-Joz et samedi ils sont entrés dans un nouveau village, Al-Najia, dans une région où l'armée a lancé il y a trois semaines une vaste offensive condamnée par la communauté internationale.

Ce déploiement de l'armée entamé au début du mois vise à mater la contestation contre le régime et à empêcher les habitants de fuir la répression meurtrière vers la Turquie voisine, affirment des réfugiés.

Près de 12 000 Syriens ont fui en Turquie la répression du régime, en plus des 5000 autres arrivés au Liban mi-mai.

Depuis le début du mouvement de contestation du régime de M. Assad, le 15 mars, 1342 civils ont été tués et 343 policiers et soldats, selon l'OSDH. Le porte-parole de l'armée Riad Haddad a pour sa part affirmé à CNN que 1300 membres des forces de sécurité ont perdu la vie depuis le début de la révolte.

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