L'arrivée de l'armée syrienne aux portes de la Turquie a entraîné un nouveau mouvement de déplacés vers ce pays qui a intensifié ses travaux pour les accueillir en construisant un village de tentes géant près de la frontière syrienne.

À Apaydin (sud, province de Hatay), à moins de 10 km de la frontière, quelque 150 ouvriers s'affairent sous une forte chaleur sur un immense terrain où déjà plus de 200 tentes du Croissant-Rouge turc ont été installées dans le plus grand ordre.

Un millier d'autres tentes seront prêtes dans une semaine sur cette étendue de terre de 300 hectares défrichée et aplanie, autrefois utilisée par les villageois comme pâturage, «en cas de besoin et d'une arrivée en masse» de Syriens, explique à l'AFP le muhtar (chef du village) Ömer Cagatay.

Jeudi, lorsque les chars et les soldats syriens ont investi les abords de la frontière syro-turque, plus de 1500 nouveaux déplacés sont entrés en Turquie, portant leur nombre dans cinq camps érigés dans cette province à près de 12 000, a-t-on indiqué vendredi de source officielle.

Les nouveaux arrivés se trouvaient jusque-là pour la plupart dans des abris de fortune érigés le long de la ligne de démarcation et hésitaient à entrer en Turquie, mais l'arrivée des troupes du président Bachar al-Assad a forcé les déplacés à prendre une décision: destination Turquie.

Et d'autres continuaient de fuir, parmi lesquels figurent même des officiers. Interrogé au téléphone par l'AFP, un contrebandier turc en contact téléphonique avec des proches côté syrien a indiqué que «14 militaires syriens, dont deux colonels», étaient entrés vendredi en Turquie depuis le village de Khirbet al-Joz, contrôlé depuis jeudi par l'armée.

Le camp d'Apaydin sera le plus grand de Turquie et «pourra contenir jusqu'à 15 000 personnes», précise le muhtar.

Un contremaître indique avoir construit 2000 mètres de clôture autour du camp dont la surface est recouverte en partie d'asphalte gravillonné.

«Nous voulons être prêts», souligne un ouvrier avant de frapper avec une massue sur un pic qui soutiendra une tente pouvant abriter une famille d'au moins six personnes.

Le gouvernement turc, qui a déjà débloqué 2,3 millions de dollars (1,6 million d'euros) en faveur des déplacés syriens, assure que la frontière ne sera pas fermée.

«Nous ne savons pas combien de Syriens viendront, mais nous sommes prêts contre toute éventualité», a souligné Emre Manav, le coordonnateur local du ministère turc des Affaires étrangères.

Le président du Croissant-Rouge, Tekin Küçükali, a souligné que son organisation était théoriquement en mesure de prendre en charge jusqu'à 250.000 réfugiés. «Une éventualité que nous ne souhaitons absolument pas», affirme cependant un diplomate turc sous couvert de l'anonymat.

Le camp d'Apaydin ne manquera pas de confort: douches, toilettes, cinéma, aires de jeux pour les enfants, une petite mosquée, un hôpital de campagne, espace de détente et même une salle de mariage.

Le système de canalisations du «village» est quasi prêt et l'eau doit arriver prochainement au camp surplombé de projecteurs.

Dès le début du mouvement de contestation en Syrie voisine, en mars, les Turcs redoutaient un afflux de réfugiés.

Le pire serait une contagion de la révolte à la deuxième plus grande ville syrienne à Alep (nord), coeur économique et située seulement à 90 km de la frontière, selon les observateurs.

Les autorités locales refusent d'imaginer un tel cas de figure, qui pourrait provoquer un exode massif.

«Alep est un bastion du régime (syrien), si la révolte gagne la ville, ce serait la catastrophe humanitaire», estime pour sa part Nebil Al-Said, un Syrien installé de longue date à Hatay.