Les forces de l'ordre ont ouvert le feu vendredi pour disperser plusieurs manifestations à travers la Syrie, faisant au moins 14 morts et plusieurs dizaines de blessés, une répression «révoltante» qui «sape la légitimité du régime», selon l'Union européenne.

Cinq personnes sont mortes à Kessoua, près de la capitale syrienne, cinq à Damas, trois à Homs (centre) et une dans une localité située près de Homs, selon différents militants.

À Kessoua, près de Damas, la manifestation est partie de la mosquée après la prière hebdomadaire: les manifestants ont défilé quelques minutes, avant que les forces de sécurité ouvrent le feu pour les disperser, tuant cinq personnes et en blessant six, a indiqué à l'AFP Mohammad Enad Souleimane, membre de l'Organisation syrienne des droits de l'Homme, présent sur place.

Les forces de police ont également ouvert le feu sur des rassemblements dans différents quartiers de Homs (centre), faisant trois morts et une vingtaine de blessés, d'après un militant sur place.

L'Observatoire syrien des droits de l'Homme a précisé qu'une personne avait aussi été tuée dans une localité proche de Homs.

À Damas, selon un autre militant sur place, cinq personnes ont par ailleurs été tuées et 25 blessées dans le quartier de Barzeh. Les forces de sécurité ont dispersé une manifestation appelant à la chute du régime, faisant d'abord usage de gaz lacrymogène, avant de tirer.

Les forces de sécurité menaient dans la soirée des perquisitions maison par maison, procédant à des dizaines d'arrestations, selon des militants, qui ont précisé qu'un couvre-feu avait été décrété.

De son côté, la télévision syrienne a affirmé que des «hommes armés» avaient tiré sur des agents de sécurité et des civils à Barzeh, causant la mort de trois civils et blessant un officier et plusieurs agents.

D'autre part, la télévision a fait état de la mort d'un policier à Kadam, dans la banlieue de Damas, tué par des «gangs armés».

Depuis le début du mouvement de protestation, le régime évoque la présence de «terroristes armés qui sèment le chaos», sans reconnaître explicitement l'ampleur de la contestation.

Vendredi, des dizaines de milliers de personnes ont défilé dans tout le pays à l'issue de la prière, pour un nouveau vendredi de la colère. Selon le président de l'Observatoire, Rami Abdel Rahmane, plus de 30 000 personnes ont manifesté à Deir Ezzor (est), 10 000 dans la région d'Idleb (nord-ouest) et «des milliers d'autres ailleurs dans le pays».

La répression a fait depuis le 15 mars plus de 1300 morts parmi les civils et entraîné l'arrestation de plus de 10 000 personnes, selon des ONG syriennes.

Dans son appel à manifester lancé sur sa page Facebook, le groupe «The Syrian revolution 2011», moteur de la contestation, avait placé la mobilisation de ce vendredi sous le thème «Bachar n'est plus mon président et son gouvernement ne me représente plus».

Par ailleurs, des commerçants ayant répondu à un appel à une grève générale jeudi ont été arrêtés, a indiqué le chef de l'Association nationale des droits de l'Homme Amar Qorbi.

Face à l'intransigeance de Damas, l'Union européenne a décidé d'accentuer la pression, jugeant «révoltante» la répression en cours et imposant des sanctions contre des responsables des Gardiens de la révolution iranienne, l'armée d'élite de la République islamique, accusés d'aider Damas.

«En faisant le choix de la répression plutôt que de tenir les promesses de réformes de grande ampleur qu'il a lui-même faites, le régime sape sa légitimité», indiquent les dirigeants européens dans un projet de déclaration commune qui doit être approuvé lors d'un sommet à Bruxelles.

En parallèle, un nouveau train de sanctions européennes, le troisième, est entré en vigueur vendredi. Il vise sept personnes, dont trois responsables des Gardiens de la révolution, et quatre sociétés.

Elles sont accusées d'être «impliquées dans la fourniture de matériel et d'assistance pour aider le régime syrien à réprimer les manifestations» et visées par un gel de leurs avoirs en Europe et une interdiction de visa.

Par ailleurs, l'agence officielle syrienne Sana a affirmé que «l'armée avait achevé son déploiement dans les villages autour de Jisr al-Choughour», où elle était entrée pour éliminer les «groupes armés».

Fuyant l'arrivée massive de l'armée, notamment de Jisr al-Choughour, près de 11 800 Syriens se sont réfugiés ces dernières semaines en Turquie, a annoncé le centre gouvernemental turc de gestion des crises.

S'ajoutent à eux les quelque 5.000 personnes ayant fui au Liban. Vendredi encore, au moins 15 Syriens -dont huit blessés par balles- sont arrivés dans la région d'Akkar, au nord du Liban, selon une source libanaise.

Alors que des centaines de soldats appuyés par des chars avaient pénétré jeudi dans le village de Khirbet al-Joz (nord-ouest), à moins d'un kilomètre de la frontière turque, selon un militant, la secrétaire d'État américaine Hillary Clinton a qualifié ce raid de «très inquiétant» et mis en garde contre «une escalade de la violence dans la région».