Le premier ministre égyptien Essam Charaf a évoqué un report des législatives prévues en septembre pour permettre aux partis de mieux s'organiser, sur fond de craintes qu'un vote dans le délai annoncé ne profite aux islamistes.

«Un report des élections offrirait une chance à un plus grand nombre de nouveaux partis politiques de se développer», a déclaré M. Charaf, cité par le journal gouvernemental al-Ahram de dimanche.

Toutefois, «quelle que soit la date de l'élection, nous ferons tout notre possible pour qu'elle soit réussie», a-t-il ajouté.

Le Conseil suprême des forces armées (CSFA), qui dirige le pays, a annoncé que les législatives se tiendraient en septembre pour remplacer le Parlement dissous après la chute du président Hosni Moubarak en février.

Ce Parlement sera en principe chargé d'élaborer une nouvelle Constitution avant la tenue d'une élection présidentielle.

En mars, 77% des Égyptiens avaient, lors d'un référendum sur une révision constitutionnelle limitée, validé ce calendrier en disant «oui» à la tenue d'une élection législative d'abord puis à l'élaboration d'une nouvelle Constitution.

Toutefois, de nombreux groupes et personnalités se sont inquiétés ces dernières semaines du fait que des législatives en septembre pourraient voir les Frères musulmans, la force politique la mieux organisée du pays, rafler la mise face à des partis laïques encore faibles ou en cours de formation.

Le contrôle de la future assemblée permettrait également aux islamistes d'être en position de force pour la rédaction de la future Constitution, redoutent-ils.

Une campagne intitulée «la Constitution d'abord» a provoqué un intense débat, ses détracteurs arguant qu'un report des élections législatives maintiendrait l'armée encore plus longtemps au pouvoir.

Les Frères musulmans, qui ont formé un parti, ont promis qu'ils ne présenteraient des candidats que pour la moitié des sièges en lice, mais sont aussi engagés dans des discussions pour des alliances qui pourraient leur permettre de renforcer leurs positions.

La semaine dernière, les autorités ont légalisé le premier parti politique salafiste (islamiste fondamentaliste), Al-Nour, qui comme les Frères musulmans veut que l'élection ait lieu à la date prévue.

«Notre force ne faiblira pas si les élections sont retardées. Au contraire, elle augmentera avec le temps», a affirmé le porte-parole du parti, Mohammed Yosri, au quotidien indépendant Al-Masri Al-Yom.

La popularité des salafistes est difficile à mesurer, mais leur visibilité croissante inquiète les laïcs et la minorité chrétienne.

Les partisans d'une nouvelle Constitution en préalable à des élections estiment aussi qu'on ne peut organiser un scrutin démocratique sur la base d'un système institutionnel largement hérité du régime autocratique de M. Moubarak.

La semaine dernière, plus de 20 groupes de défense des droits de l'Homme ont estimé que tenir les élections avant d'avoir une nouvelle Constitution équivaudrait à «mettre la charrue avant les boeufs».

«Cette Constitution doit être élaborée d'abord, plutôt que de construire les institutions du nouveau régime conformément aux règles constitutionnelles de l'ancien» ont dit ces groupes dans un communiqué.

Le chef sortant de la Ligue arabe et candidat à la présidence Amr Moussa a aussi appelé à reporter le vote.

«Je ne suis pas pour un report du processus démocratique, et je pense qu'il devrait commencer avant la fin de l'année, mais je pense que septembre, c'est trop tôt pour la tenue des élections législatives», a-t-il dit.

Mais le débat entre laïcs eux-mêmes n'est pas si simple.

Certains groupes d'opposition libéraux veulent ainsi la tenue des élections d'abord, pour que les militaires quittent le pouvoir le plus vite possible au profit d'un pouvoir civil choisi démocratiquement.