Dix-neuf manifestants hostiles au président Ali Abdallah Saleh ont été tués en 24 heures par les forces de l'ordre au Yémen, des violences «fermement» condamnées par les États-Unis qui ont appelé à une transition «immédiate» du pouvoir.

À Bayda (210 km au sud-est de Sanaa), trois contestataires qui déchiraient des portraits du président Saleh, au pouvoir depuis bientôt 33 ans, ont été tués jeudi par des tireurs postés sur le toit du siège du Congrès populaire général (CPG, parti au pouvoir), selon des témoins et l'opposition.

À Taëz (250 km au sud de Sanaa), les forces de sécurité ont ouvert le feu pour disperser des manifestants, faisant des dizaines de blessés, selon des témoins et des sources médicales.

La veille, deux manifestants avaient été tués dans cette ville, ainsi qu'un protestataire à Hodeïda (ouest) et un à Dhamar (100 km au sud de Sanaa).

Mais les affrontements les plus violents s'étaient déroulés à Sanaa, où les forces de sécurité et des partisans du régime avaient tiré sur des milliers de manifestants, tuant 12 d'entre eux et en blessant près de 230, selon des sources médicales.

Les manifestants avaient marché de la Place du «Changement», où ils campent depuis le 21 février, vers la présidence du gouvernement. Les forces ont tiré sur eux alors qu'ils se trouvaient à 200 mètres du bâtiment jouxtant les locaux de la radio nationale, selon des témoins. Les heurts se sont déroulés jusque tard le soir.

Dans un communiqué, le ministère de l'Intérieur a affirmé que les contestataires avaient tenté de «prendre d'assaut les sièges de la radio et du gouvernement», accusant des hommes armés relevant de l'opposition d'avoir ouvert le feu.

La situation était extrêmement tendue jeudi aux abords de la place du «Changement», épicentre de la contestation, ont indiqué des témoins, précisant que le général Ali Mohsen al-Ahmar, rallié aux contestataires, avait déployé des renforts tout autour.

Dénonçant une répression «brutale et sauvage», le général Ahmar a appelé les forces gouvernementales à désobéir aux ordres: «Ne suivez pas les ordres du régime d'attaquer les protestataires et leurs manifestations pacifiques», a-t-il écrit dans un communiqué.

Washington condamne

De leur côté, les États-Unis ont «condamné fermement» cette effusion de sang et appelé à ce que s'engage «immédiatement» la transition.

Saluant «les efforts du Conseil de coopération du Golfe (CCG) pour parvenir à un accord», le porte-parole du département d'État appelé «toutes les parties à signer cet accord immédiatement».

Le plan du CCG prévoit la formation par l'opposition d'un gouvernement de réconciliation et la démission un mois plus tard de M. Saleh, en échange de son immunité, puis une élection présidentielle dans les 60 jours.

Le secrétaire général du CCG, Abdellatif Zayani, a lui aussi dénoncé les violences et invité dans un communiqué les protagonistes à «revenir» à son plan, «le meilleur moyen de sortir le Yémen de cette tragédie (...) et d'épargner au pays davantage d'insécurité et de dissensions politiques».

Pour sa part, la France a «déploré et condamné l'usage excessif de la force contre les manifestants», et appelé «les autorités yéménites à tenir les engagements maintes fois réitérés au plus haut niveau de protéger les manifestants».

La répression du mouvement de protestation a fait au moins 176 morts depuis fin janvier, selon un bilan établi par l'AFP à partir de sources médicales et de sécurité.

L'opposition a appelé la communauté internationale à «intervenir pour arrêter les massacres» commis par les forces gouvernementales.

M. Saleh s'apprêtait à masser vendredi, comme chaque semaine depuis le début de la crise, ses partisans à Sanaa pour une «Journée de l'Unité» alors que les contestataires ont appelé à une «Journée de la Détermination».