L'armée a renforcé mardi son emprise sur les foyers de la contestation en Syrie, bouclant des quartiers et procédant à de nombreuses arrestations, au moment où l'Occident a lancé une nouvelle tentative pour une condamnation de la répression à l'ONU après des sanctions européennes.

Le «moment le plus dangereux est derrière nous», a estimé une conseillère du chef de l'État, Bouthaina Chaabane, alors que le régime du président Bachar al-Assad a opté pour la solution militaire afin de mettre fin à une révolte sans précédent lancée depuis près de deux mois.

Face à la poursuite de la contestation, le pouvoir a envoyé ces derniers jours l'armée avec ses chars dans plusieurs villes, arrêtant des centaines de personnes, selon des organisations et des militants syriens des droits de l'homme.

«L'armée contrôle tous les quartiers de Banias (nord-ouest) et les arrestations se poursuivent dans la ville et les villages voisins de Bayda et Marqab», a déclaré Rami Abdel Rahmane, président de l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), une ONG basée à Londres.

Plus de 450 personnes ont été arrêtées depuis samedi dans cette ville côtière, dont des leaders de la contestation, alors que les communications téléphoniques, l'électricité et l'eau y ont été coupées, selon lui.

Dans le centre du pays, 50 militants, dont le dirigeant d'un parti communiste interdit Hassan Zahra et son fils, ont été arrêtés à Salamiya, a affirmé l'OSDH.

L'armée a également pris position le week-end dernier dans la ville de Homs, à 160 km au nord de Damas, après avoir pénétré le 25 avril à Deraa, à 100 km au sud de Damas où est née la contestation le 15 mars. Les militaires ont entamé leur retrait de Deraa mais des soldats y sont restés selon les militants.

Un autre militant a fait état d'arrestations à Lattaquié (nord-ouest), premier port du pays, dans la province de Damas et à Idleb (nord-ouest).

La répression a aussi touché la banlieue de Damas, à Mouadamiya, où l'armée est arrivée en force lundi, isolant cette localité du monde, selon un autre militant. Des voitures d'agents de sécurité remplies de personnes arrêtées ont été aperçues mardi, a-t-il dit.

«Un agent de sécurité est posté devant chaque immeuble. Pour sortir de la localité, il faut passer par trois postes de contrôle où les identités sont contrôlées sur la base de listes. Les arrestations se poursuivent. Il y a des chars aux entrées de la localité», selon lui.

«Je suis terrée chez moi, sans pouvoir sortir et sans aller travailler depuis deux jours», a déclaré une habitante à l'AFP.

Lundi soir à Damas, 200 personnes ont manifesté pour demander la levée des différents sièges et plusieurs d'entre elles ont été arrêtées.

Dans les régions nord à majorité kurde, à Qamichli, Derbassyé et Amouda, les services de sécurité ont convoqué des habitants pour qu'ils signent des déclarations pour ne pas manifester, a accusé le dirigeant kurde Radif Moustapha.

En dépit de la répression qui a fait depuis le 15 mars entre 600 et 700 morts et au cours de laquelle plus de 8000 personnes ont été arrêtées ou ont disparu selon les ONG, le site «Syrian Revolution 2011» a prévenu sur Facebook que les manifestations se poursuivraient «tous les jours».

Une note positive néanmoins, six figures de l'opposition, dont cinq arrêtés depuis le début du mouvement de contestation, ont été libérées, notamment l'écrivain Fayez Sara et l'avocat Hassan Abdel Azim, 80 ans.

Selon des analystes, le régime syrien se maintient au pouvoir grâce à la fidélité de l'armée et en raison d'une réaction internationale jusqu'ici plutôt molle.

Mais tentant de reprendre l'initiative, l'Union européenne (UE) a adopté un embargo sur les armes visant la Syrie, ainsi que des interdictions de visas d'entrée dans l'UE et le gel d'avoirs contre 13 Syriens, dont le frère cadet du président, Maher, et quatre de ses cousins, pour leur rôle dans la répression.

Ce dernier, chef de la Garde républicaine, est présenté comme «le principal maître d'oeuvre de la répression».

Et à New York, les pays occidentaux ont lancé une nouvelle tentative de condamnation de la Syrie au Conseil de sécurité de l'ONU, au moment où Damas pourrait voir lui échapper un siège au Conseil des droits de l'homme après la candidature surprise du Koweït.

Le Royaume-Uni mène les tractations en soulignant le refus de la Syrie de laisser une mission humanitaire d'évaluation de l'ONU se rendre à Deraa, mais les efforts occidentaux sont contrecarrés par l'opposition de Moscou et de Pékin.

Au Qatar, la chaîne satellitaire Al-Jazira a affirmé être toujours sans nouvelles de sa journaliste Dorothy Parvez, une Américano-canado-iranienne détenue selon elle en Syrie, et démenti les informations d'un quotidien syrien selon lesquelles elle aurait quitté le pays.