Des officiers «invisibles» venus de France, d'Italie et de Grande-Bretagne sont retranchés depuis quelques semaines à Benghazi, QG des insurgés libyens: ils aident les rebelles à bâtir des forces capables de vaincre le régime de Mouammar Kadhafi, avec l'appui de l'OTAN.

«Si vous les voyez, demandez-leur de venir prendre une tasse de thé avec moi», plaisante le colonel Ahmed Omar Bani, porte-parole militaire des rebelles, interrogé sur l'activité de ces officiers.

Pas question en effet de rencontrer ces 20 Britanniques, 10 Italiens et 10 Français: les demandes d'interviews effectuées par l'AFP auprès du colonel Bani et des ministères de la Défense et des Affaires étrangères à Londres, Paris et Rome ont été refusées.

D'après les rumeurs, ces conseillers sont cantonnés dans un immeuble à la périphérie de Benghazi, la ville portuaire devenue le siège des rebelles après le soulèvement contre le colonel Kadhafi à la mi-février.

Là, ils travaillent aux côtés du commandement des insurgés en vue de transformer les volontaires rebelles qui manquent cruellement d'armes et de formation en une force capable de débouter les loyalistes, secondés par l'OTAN qui bombarde l'Ouest libyen.

«Ce processus, c'est comme tenter de transformer le chaos en ordre», commente un responsable militaire européen sur place. Selon lui, ces conseillers aident à la mise en place d'une structure de commandement, mais n'ont pas l'intention de participer à l'entraînement des combattants.

Une présence discrète et pour cause: des photos ou des vidéos d'officiers européens seraient probablement utilisées par la machine de propagande de Kadhafi comme une «preuve» que le soulèvement est orchestré par les puissances occidentales en vue de mettre la main sur les richesses pétrolières du pays.

Les Européens s'inquiètent également du risque d'enlisement.

Les détracteurs de l'option militaire en Libye rappellent que le fiasco américain au Vietnam avait commencé par l'envoi d'une poignée de conseillers militaires, avant de se muer en une guerre à grande échelle et de longue haleine.

Ils craignent que l'offensive militaire lancée pour protéger les civils libyens ne se transforme en une attaque terrestre si le dirigeant libyen ne quitte pas le pouvoir ou n'est pas tué dans un raid.

Les gouvernements concernés assurent qu'ils ne permettront pas un tel scénario et gardent leurs hommes à l'abri des regards pour éviter les critiques.

Les volontaires dans les camps militaires de Benghazi affirment ne pas les avoir vus, mais à Misrata, seul bastion rebelle dans l'Ouest, on assure qu'il y a au moins deux conseillers militaires français et un britannique en action.

Deux journalistes de l'AFP ont été récemment enfermés brièvement dans une maison de cette ville par un groupe d'insurgés, car, selon les combattants, «des Français circulaient dans des rues voisines».

Le gouvernement français a nié à plusieurs reprises avoir des agents sur le terrain pour fournir des informations sur des cibles potentielles de raids de l'OTAN.

Et si à Misrata, où des centaines de personnes ont été tuées dans les combats, on réclame des troupes étrangères pour lever le siège imposé par les forces gouvernementales, à Benghazi, les rebelles restent opposés à cette idée.

«Nous ne voulons pas de troupes. Si nous pouvons obtenir les armes nécessaires, nous pourrons mettre fin à cette situation une fois pour toutes», dit Abdul Hafiz Ghoga, vice-président du Conseil national de transition.