«C'est un massacre!», hurle Massalmeh, un Syrien bloqué au poste de Ramtha, à la frontière entre la Jordanie et la Syrie, après avoir contacté un membre de sa famille à Deraa. Les nouvelles le font chanceler et il tombe à genoux, le visage entre les mains.

«Ils m'ont dit qu'il y avait plus de 200 morts, parmi eux des membres de notre famille. C'est un massacre, un vrai massacre», affirme mardi à l'AFP ce commerçant, arrivé deux jours plus tôt en Jordanie pour ses affaires.

Les militants des droits de l'Hommes contactés par l'AFP ont annoncé qu'au moins 25 personnes avaient été tuées lundi dans le pilonnage de Deraa (100 km au sud de Damas), foyer de la contestation en Syrie depuis le 15 mars, où plus de 3 000 soldats appuyés par des blindés et des chars étaient entrés avant l'aube.

À Ramtha, certains réconfortent Massalmeh, d'autres tentent à leur tour de contacter leurs proches, le visage inquiet.

«Les tirs et les explosions n'ont pas cessé depuis lundi à l'aube. Des chars circulent dans la ville de Deraa, des hommes armés font des descentes dans des maisons et tuent les hommes (...). C'est un massacre, le monde doit nous aider», déclare un autre Syrien, qui ne veut pas révéler son identité.

«L'électricité et l'eau sont coupées. Des tireurs embusqués ont tiré sur les réservoirs d'eau sur les toits pour empêcher la population de les utiliser. Nos familles n'ont même pas de bougies et la nourriture commence à manquer. Le siège est total», affirme un autre Syrien qui refuse également de donner son nom, par peur de représailles.

Des habitants de la ville de Ramtha sont venus voir si la frontière avait été rouverte. Selon des témoins côté jordanien, la Syrie a fermé le poste-frontière de Ramtha côté syrien, à 3 km de Deraa, une version démentie par Damas.

«La frontière jordanienne est ouverte normalement, toute personne peut sortir de Ramtha. Nous n'avons pas d'informations concernant le poste-frontière de Deraa», affirme à l'AFP l'un des officiers du poste-frontière.

Mais les personnes ayant tenté de se rendre à Deraa depuis lundi après-midi ont été refoulées, et des témoins ont fait état d'arrestations de Syriens à ce poste-frontière.

«Nous avons entendu des explosions très tôt ce matin en provenance de Deraa», affirme Ahmad qui, à l'instar de 2 000 Jordaniens de Ramtha, fait du commerce avec Deraa, où il se rend deux fois par semaine.

L'armée jordanienne s'est déployée sur les collines de Tarra, al-Chajara, Amrawa et Zounayba, qui surplombent la vallée, «pour empêcher des infiltrations», affirment des habitants de Ramtha.

Le roi Abdallah II de Jordanie a reporté une visite qu'il devait faire mardi dans cette ville.

Des témoins ont également évoqué des tirs sur la route entre les deux pays.

Lundi, un chauffeur jordanien a transporté en Jordanie un Turc qu'il avait trouvé sur la route, grièvement blessé par balles.

Des voyageurs ont aussi évoqué la mort d'un Jordanien et de sa fille sur la route, côté syrien. Le porte-parole de la police jordanienne n'a pas été en mesure de confirmer cette information.

À Jaber, 25 km plus loin, un autre poste-frontière était ouvert normalement avec la ville syrienne de Nassib. Seules quelques voitures entrent en Jordanie, mais des dizaines de poids-lourds se rendent en Syrie transportant des marchandises à destination de la Syrie, du Liban ou de la Turquie.

«Hier (lundi), des chars sont entrés dans la banlieue proche de Deraa, à Karak Charki. Des tirs nourris ont commencé à  5H00 et ont duré plus de sept heures», déclare à son arrivée un Syrien qui compte se rendre au Koweït.

«Dans notre voisinage, un homme est mort et cinq autres ont été blessés. Les gens sont terrés chez eux, il y a des tireurs embusqués partout, habillés de noir. Et la nuit tombée, ils sont invisibles car il n'y a pas d'électricité», dit-il.