Les forces pro-Kadhafi ont bombardé mardi le port libyen de Misrata, mais la rébellion a assuré que le dirigeant libyen s'engageait dans «une bataille perdue» et le président français Nicolas Sarkozy s'est dit «optimiste» sur l'issue du conflit.

Vers 13H30 locales (11H30 GMT), une dizaine de projectiles ont touché le port à 12 km à l'est de Misrata, seul lien avec le monde extérieur pour cette grande ville côtière à 200 km à l'est de Tripoli dont les forces pro-Kadhafi ont coupé tous les accès routiers, selon un photographe de l'AFP.

Un bateau de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), venu poursuivre l'évacuation des milliers d'Africains bloqués dans le port, a dû s'éloigner par mesure de sécurité.

«Plusieurs réfugiés ont été blessés par le bombardement. Il y a peut-être des morts», a déclaré le docteur Khalid Abou Falra dans le principal hôpital de la ville. Lundi, Washington avait estimé que 2.000 migrants africains attendaient encore sur le port.

Selon des rebelles, «une vingtaine de véhicules» des forces gouvernementales se sont approchés du port vers 15H30 locales.

Des avions de l'OTAN survolaient la ville, où des explosions espacées étaient également audibles, après une accalmie de 24 heures. Selon des journalistes présents dans le port, ils ont mené au moins une frappe.

Misrata a connu ces derniers jours de violents combats au cours desquels les rebelles ont repoussé les soldats pro-Kadhafi aux portes de la ville. Roquettes et obus ont plu sur la ville, apparemment au hasard.

Les explosions et les combats ont fait des dizaines de morts et des centaines de blessés depuis vendredi. Selon le Croissant rouge à Misrata, le conflit a fait environ 1.500 morts, habitants et rebelles, depuis le soulèvement de la ville le 19 février.

«Misrata est la clé de Tripoli. Si (Kadhafi) abandonne Misrata, il va abandonner Tripoli. Il n'est pas assez fou pour faire cela», avait prévenu lundi le porte-parole militaire du Conseil national de transition (CNT) de l'opposition à Benghazi (est), le colonel Ahmed Omar Bani.

Mais le colonel Kadhafi s'est lancé dans «une bataille perdue» parce que les rebelles sont plus nombreux, «mieux équipés, entraînés et organisés, et plus déterminés que jamais», a assuré mardi un autre porte-parole du CNT, Jalal al-Gallal.

«Associé à la plus grande efficacité de l'OTAN, ceci fait que pour (Kadhafi), ce sera de plus en plus dur, sinon impossible, de l'emporter», a-t-il ajouté.

«Sur la Libye, nous sommes optimistes parce que l'opposition libyenne fait preuve d'un grand courage et d'une grande maîtrise», a déclaré M. Sarkozy lors d'une conférence de presse à Rome avec le président du conseil italien Silvio Berlusconi.

Tout en estimant que «la lutte» des insurgés était menée «chaque jour avec plus d'efficacité», il s'est refusé à toute estimation sur la durée du conflit.

Dans l'Ouest, 30.000 Libyens ont fui la région des Montagnes, à la frontière avec la Tunisie, a annoncé le Haut commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR), précisant que selon les tout derniers arrivés, les villes frontalières de Nalout et Wazin étaient quasi-désertes.

Au total, plus de 600.000 personnes ont fui les violences en Libye depuis la mi-février.

À Tripoli, cible depuis vendredi de raids intensifs de l'OTAN, cinq explosions ont secoué lundi soir l'est de la capitale, selon des témoins, qui n'étaient pas en mesure de préciser les sites visés.

Dans la nuit de dimanche à lundi, le bureau de Mouammar Kadhafi, situé dans son immense résidence à Tripoli, avait été totalement détruit par une frappe de l'OTAN. Ce raid a fait trois morts et 45 blessés, selon le porte-parole du régime, Moussa Ibrahim.

L'OTAN a assuré mardi n'avoir pas cherché à viser le dirigeant libyen, rappelant que sa mission était de protéger les civils, pas d'imposer un changement de régime.

La télévision libyenne a diffusé des images de M. Kadhafi qui semblent avoir été filmées lundi. Apparemment détendu, il y reçoit des dignitaires du régime sous sa tente dans sa résidence.

À Moscou, la Russie a prévenu qu'elle ne soutiendrait aucune nouvelle résolution au conseil de sécurité de l'ONU sur la Libye appelant à une augmentation de l'«ingérence étrangère».

À Addis Abeba, l'Union africaine tente toujours de trouver une solution au conflit, en recevant des représentants des deux camps en vue d'un cessez-le-feu. Les rebelles exigent cependant le départ de M. Kadhafi en préalable à toute solution négociée.

Le ministère italien des Affaires étrangères a annoncé mardi que la prochaine réunion du Groupe de contact chargé de piloter le volet politique de l'intervention internationale en Libye se tiendrait le 5 mai à Rome.