Moaz Abdel Karim est tombé dans l'organisation des Frères musulmans quand il était petit. Il a fréquenté leurs colonies de vacances et leurs activités de week-end. Au début, le message religieux était mince: «On apprenait à ne pas faire de peine à notre maman.»

Pendant ses études de pharmacologie, le jeune homme a flirté avec plusieurs mouvements sociaux. Mais il les trouvait tous sclérosés: tout était dominé par les «vieux».

Il est donc resté avec les Frères musulmans, où il s'est fait un réseau de jeunes artistes, athlètes ou médecins. Malgré les réticences de leurs leaders, ces jeunes ont rejoint le soulèvement de la place Tahrir.

Le 19 mars dernier, les Frères musulmans ont soutenu la nouvelle Constitution soumise au référendum par le Conseil militaire suprême, qui dirige le pays pendant la période de transition. Moaz Abdel Karim, lui, a voté «non».

À 27 ans, le jeune homme fait partie de la nouvelle garde des Frères musulmans: il se dit libéral, n'hésite pas à serrer la main des femmes, arrive à notre rendez-vous en pantalon mauve et affirme qu'il pourrait très bien tomber amoureux d'une communiste sans hidjab. «Les relations humaines sont plus profondes que ça.»

Moaz Abdel Karim illustre le fossé des générations qui divise les Frères musulmans, cette organisation islamique omniprésente en Égypte qui se prépare pour les législatives de septembre.

Les Frères musulmans travaillent fort pour soigner leur image. Sur leur site web en anglais, des articles expliquent pourquoi il ne faut pas avoir peur d'eux. Leur principal porte-parole, Essam El-Erian, assure que le mouvement se contentera de 35% des sièges au Parlement.

«Le prochain gouvernement aura la tâche très difficile, nous préférons partager le fardeau», dit-il.Mais les Frères musulmans ne forment pas un bloc uni. Ils comptent dans leurs rangs quelques radicaux, y compris des salafistes.

«Les Frères musulmans changent de peau sans arrêt, on ne sait jamais ce qu'ils vont dire d'un jour à l'autre», dit un copte égyptien, George William, qui a adhéré à un parti regroupant chrétiens et musulmans modérés pour contrecarrer les intégristes.

Les Frères musulmans ne cherchent effectivement pas à prendre le pouvoir pour l'instant, croient les analystes. Mais dans cinq ans, ou dix, sûrement. Reste à savoir quelle génération sera alors à leurs commandes.