Des dizaines de milliers de Syriens ont manifesté vendredi contre le régime à travers le pays, malgré la libération de manifestants arrêtés depuis le début du mouvement de contestation le 15 mars et au lendemain de la formation d'un nouveau gouvernement chargé de mener des réformes.

«Entre 2500 et 3000 personnes ont manifesté sur la place al-Saraya dans le centre de Deraa en scandant des slogans en faveur de la liberté et hostiles au régime», a affirmé à l'AFP un militant des droits de l'Homme sous couvert de l'anonymat, en référence à cette ville située à 100 km au sud de Damas où a débuté la contestation.

«Plutôt la mort que l'humiliation», scandaient les manifestants. Selon le militant, les forces de sécurité n'étaient pas intervenues en milieu de journée.

À Qamishli, dans le nord-est du pays à majorité kurde, près de 5000 personnes ont défilé après la prière à partir de la mosquée Qasmo, scandant des slogans de solidarité avec les personnes tuées pendant la répression de récentes manifestations à Deraa et Banias, a affirmé à l'AFP un autre militant des droits de l'Homme, Hassan Berro.

«De Qamishli au Haurane (région du sud), le peuple syrien ne se laissera pas humilier», criaient-elles, brandissant des drapeaux syriens.

Dans trois autres localités kurdes, Raas al-Aïn, Amouda et Derbassiyé, près de Qamishli, on a compté quelque 4500 manifestants, selon M. Berro.

Selon des militants et des témoins, des centaines de personnes ont défilé à Banias aux cris de: «le peuple veut la liberté».

À Homs, ils étaient 4000 et scandaient «liberté, liberté», selon le militant politique Najati Tayara. Les forces de sécurité sont intervenues au bout d'une heure pour les disperser à coups de matraques.

À Lattaquié, un millier de personnes se sont rassemblées dans le centre de cette ville côtière, où des violences meurtrières avaient éclaté fin mars, selon un militant des droits de l'Homme.

À Jobar (nord de Damas), les forces de l'ordre ont dispersé quelque 2000 manifestants contre le régime en tirant des gaz lacrymogènes.

L'agence officielle Sana a fait état pour sa part de «rassemblements limités et dans le calme» qui se sont déroulés à travers la Syrie et au cours desquels des slogans ont été scandés «en faveur de la Syrie, de la liberté et en hommage aux martyrs, sans que les forces de sécurité n'interviennent».

Ces nouvelles manifestations, auxquelles avaient appelé les contestataires sur Facebook, interviennent au lendemain de la formation d'un nouveau gouvernement.

Ce cabinet dirigé par Adel Safar a pour tâche de mener un programme de réformes comprenant notamment la levée de la loi d'urgence, en vigueur depuis 1963, la libéralisation de la presse et l'instauration du pluralisme politique, autant de mesures réclamées par les manifestants.

Les titulaires des principaux ministères, notamment ceux de la Défense, des Affaires étrangères et du Pétrole, restent cependant inchangés.

Par ailleurs, Human Rights Watch a accusé les services de sécurité syriens d'avoir torturé de nombreux manifestants parmi les centaines arrêtés depuis le début de la contestation. Selon Amnesty International, au moins 200 personnes ont été tuées dans la répression, la plupart par les forces de sécurité ou par des policiers en civil.

Les autorités accusent des bandes «criminelles» ou «armée» d'être responsables des tirs qui ont tué manifestants et forces de l'ordre.

À Genève, plusieurs experts des droits de l'Homme de l'ONU ont appelé vendredi Damas à «stopper immédiatement» la «répression brutale» contre des manifestants pacifiques, s'inquiétant d'une augmentation importante du nombre des victimes.

S'exprimant devant des journalistes à Berlin, la secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton a exhorté la Syrie à cesser la répression des manifestations d'opposants au régime et à satisfaire les aspirations démocratiques du pays.