Deux mois après sa chute, l'ex-président égyptien Hosni Moubarak est sorti pour la première fois de son silence dimanche pour se dire victime de «diffamation», tandis que les manifestants réclamant son jugement ont obtenu sa convocation dans le cadre d'une enquête judiciaire.

La justice a annoncé que l'ancien raïs et ses deux fils Alaa et Gamal seraient convoqués, à une date indéterminée, pour répondre à des accusations dans des enquêtes anticorruption, et pour les violences qui ont fait quelque 800 morts lors des manifestations antirégime de janvier et février.

Cette annonce, possible premier pas vers un procès, a été faite après des manifestations massives vendredi, plus réduites samedi et dimanche, mais violentes avec officiellement un mort, sur la place Tahrir du Caire, haut lieu de la révolte qui a fait chuter M. Moubarak le 11 février.

Les manifestants réclament un jugement pour l'ancien président et d'autres hauts responsables de son régime, accusant l'armée au pouvoir depuis son départ de traîner les pieds pour tourner la page des années Moubarak.

L'ancien président lui-même, muet depuis sa démission, s'est pour la première fois exprimé dans une allocution sonore de quelques minutes diffusée sur une chaîne saoudienne basée à Dubaï, al-Arabiya.

Il y dénonce des «campagnes de diffamation» à son encontre et défend sa «réputation» et son intégrité». Il assure qui ni lui ni son épouse Suzanne n'ont de fortune à l'étranger et se dit prêt à coopérer avec la justice sur ce dossier.

Les autorités ont assigné M. Moubarak à résidence dans la station balnéaire égyptienne de Charm el-Cheikh, sur la mer Rouge, et démentent régulièrement des rumeurs faisant état de son départ à l'étranger.

La justice a également annoncé la mise en détention préventive d'un ancien Premier ministre de M. Moubarak, Ahmad Nazif, suite à des accusations de malversations financières.

D'autres anciens responsables ou proches de l'ancien régime font depuis plusieurs semaines l'objet de mesures judiciaires ou d'enquêtes, mais une partie de l'opinion trouve ces actions encore trop timides.

Un millier de manifestants environ se trouvaient encore dimanche sur la place Tahrir, dont les accès étaient bloqués par des barbelés et des barres métalliques.

Outre le jugement de l'ancien président, ils demandent le départ du maréchal Hussein Tantaoui, chef du Conseil suprême des forces armées, qui fait à ce titre office de chef d'État depuis deux mois.

«Le peuple demande le renversement du maréchal», âgé de 75 ans et qui fut pendant 20 ans ministre de la Défense de M. Moubarak, lançaient notamment les manifestants.

L'intervention de la police militaire, appuyée par la police antiémeute, contre les manifestants dans la nuit de vendredi à samedi avait fait un mort et 71 blessés selon un bilan officiel. Des sources médicales avaient auparavant fait état de deux morts.

L'armée pour sa part a nié avoir agi avec brutalité et démenti des accusations selon lesquelles elle aurait ouvert le feu sur des manifestants. Elle les a qualifiés de «hors-la-loi» en laissant entendre qu'ils pourraient agir à l'instigation de partisans de M. Moubarak.

La présence de sept officiers en uniforme parmi les manifestants avait laissé poindre des divisions au sein d'une institution militaire traditionnellement hermétique sur ses débats internes.

Ces événements témoignent d'une récente montée des tensions autour du rôle de l'armée, après une période de large consensus sur son action pour stabiliser le pays et organiser le retour à un pouvoir civil élu promis pour la fin de l'année.

Mais la popularité dont l'institution militaire continue de bénéficier dans une vaste partie de l'opinion a amené plusieurs responsables et organisations à rester prudentes face à ces critiques, voire à se dissocier des manifestants.