Partisans et adversaires du président Ali Abdallah Saleh se sont mobilisés massivement vendredi à Sanaa où les forces de sécurité et l'armée ont déployé un dispositif sans précédent de crainte d'affrontements entre groupes rivaux.

«Je m'engage (...) à me sacrifier, par mon sang et par tout ce qui m'est cher, pour le peuple», a lancé M. Saleh en «remerciant» ses partisans pour leur soutien, lors d'une brève apparition sur la place Sabiine, jouxtant son palais.

«J'espère que leur discours sera sage et responsable» et qu'ils ne tiennent pas des propos irresponsables», a-t-il dit à l'adresse de protestataires, qui avaient prévu pour ce vendredi, puis annulé, une marche sur le palais présidentiel, une initiative vivement critiquée par l'entourage de M. Saleh.

«Le peuple n'attend de lui qu'un seul sacrifice: partir», a réagi un porte-parole de l'opposition, Mohamed Sabri, sur la télévision Al-Arabiya.

«Le peuple veut Ali Abdallah Saleh», «Par nos âmes et par notre sang, nous nous sacrifions pour le président», ont scandé les partisans du régime, harangués par l'imam de la prière hebdomadaire musulmane sur la place Tahrir, dans le centre de Sanaa.

«Ces millions de Yéménites qui ont afflué de toutes les provinces disent oui au président Saleh», a lancé l'imam dans son prêche retransmis par la télévision d'Etat, accusant l'opposition de chercher à entraîner le pays «dans la sédition, l'effusion du sang et la guerre civile».

«Résistez jusqu'au départ de ce régime corrompu», a répliqué l'imam qui dirigea la prière sur la place du Changement où campent depuis plus d'un mois les jeunes protestataires réclamant le départ du président.

Aux cris de «Dégage !» et «Le peuple veut la chute du régime», les protestataires vont, selon l'un d'eux, Adel al-Walibi, «maintenir la pression par leur sit-in».

La tension était vive dans la capitale où les forces de sécurité et l'armée ont multiplié les points de contrôle sur les différents axes routiers de la capitale, quasiment divisée en deux: le nord dominé par l'opposition et le sud par le régime.

L'armée, dont des officiers ont rallié le mouvement de contestation, a établi des barrages de contrôle aux points d'accès de la place du Changement.

Des unités des forces de sécurité ont pour leur part canalisé le flux des partisans du régime, dont de nombreux hommes de tribus mobilisés à l'appel du chef de l'Etat, sur les places Tahrir et Sabiine.

La foule s'est progressivement dispersée dans le calme peu après la prière du vendredi, journée baptisée «du Salut» par les protestataires et «de la Fraternité» par les loyalistes. Leurs rassemblements se sont déroulés dans des quartiers différents de Sanaa, distants de quelques kilomètres.

Mais une explosion de violence était redoutée dans la capitale où se font face des unités rivales de l'armée, partiellement ralliée aux protestataires, et de la Garde républicaine, commandée par le fils du chef de l'Etat, Ahmad.

Des blindés et des chars ont été déployés aux entrées de Sanaa, alors que des canons étaient visibles sur le flanc de collines autour de la ville.

Une forte mobilisation des protestataires a été enregistré dans les autres région comme à Aden (sud), Taëz et Ibb (centre) ainsi qu'à Hodeida, sur la mer Rouge, où des partisans du régime ont agressé dans cette ville des manifestants de l'opposition, selon des témoins.

A Aden, les manifestants ont aussi dénoncé «le massacre de Jaar, commis par le régime de Saleh», en référence à l'explosion dans une usine de munitions à Abyane, voisine d'Aden, qui a fait lundi 150 morts.

La Grande-Bretagne a exhorté jeudi ses ressortissants à quitter immédiatement le Yémen où la situation «se détériore rapidement», le Foreign Office notant que les manifestations de vendredi risquaient de dégénérer en affrontements violents.