Le président syrien Bachar al-Assad, qui a accepté mardi la démission du gouvernement, s'adressera mercredi à la nation pour la première fois depuis le début le 15 mars d'une contestation sans précédent du régime autoritaire en place depuis plus de quatre décennies.

Arrivé au pouvoir en 2000, après avoir succédé à son père qui avait dirigé ce pays d'une main de fer depuis 1970, il devrait annoncer des mesures de libéralisation, et un nouveau cabinet pour les mener à bien.

Auparavant, le pouvoir, cherchant à montrer que les contestataires ne sont qu'une poignée même s'ils avancent certaines revendications légitimes, a mobilisé mardi des centaines de milliers de ses partisans qui ont manifesté dans le pays.

«Le président s'adressera mercredi dans la matinée à la nation (en prononçant) un discours au Parlement, et à cette occasion il présentera ses projets de réformes», a dit à l'AFP un responsable syrien.

M. Assad devrait annoncer l'abrogation de l'état d'urgence en vigueur depuis 1963, la libéralisation de la presse, l'instauration du pluralisme politique et des mesures anti-corruption. L'état d'urgence avait été imposé après l'arrivée au pouvoir du parti Baas, qui reste le parti unique en Syrie.

Selon l'«index de la démocratie» établi par l'Economist intelligence unit, la Syrie arrive en 152e position sur 167 pays et est considérée comme un «régime autoritaire».

Afin d'avoir les mains libres, M. Assad a accepté «la démission du gouvernement Otri (en place depuis 2003) et lui a demandé d'expédier les affaires courantes», selon l'agence officielle Sana.

La Syrie est régie par un système présidentiel et le gouvernement applique les directives du président. La composition du nouveau cabinet devrait être connue d'ici la fin de la semaine.

Le mouvement de contestation, déclenché le 15 mars par des pages Facebook dont l'une intitulée, «Révolution syrienne 2011», exige des réformes politiques, dont la fin de la corruption, l'instauration d'un Etat civil, et plus de libertés.

Cette page a de nouveau appelé à des sit-in vendredi en Syrie à la mémoire des «martyrs» et pour appuyer les revendications en faveur de la démocratie.

Selon des organisations des droits de l'Homme, environ 130 personnes ont été tuées depuis le début du mouvement, en particulier à Deraa, épicentre de la révolte à 100 km au sud de Damas. Le bilan officiel est d'une trentaine de morts.

Face au mouvement de contestation, le régime a organisé mardi les plus importantes manifestations depuis l'arrivée au pouvoir de Bachar al-Assad.

Forêts de drapeaux syriens, des multitudes de portraits du président, une foule a convergé à pied ou a été transportée en bus sur la place des Sept Fontaines à Damas face à l'imposant bâtiment de la Banque centrale où a été tendu un immense portrait du chef de l'État.

«Dieu, la Syrie, Bachar et c'est tout», ont scandé les manifestants.

Une pancarte disait «Oui aux réformes, non à la dissension confessionnelle». La Syrie est un pays multiconfessionnel et multiethnique avec les sunnites majoritaires, les alaouites au pouvoir, et des minorités chrétienne et kurde.

La télévision publique a montré des rassemblements identiques dans les principales villes, à l'exception de Lattaquié, où les autorités avaient demandé de ne pas se rassembler pour des raisons de sécurité après un week-end sanglant.

En revanche, à Deraa, 300 personnes ont manifesté contre le pouvoir en scandant «Révolution, révolution».

Pour les Etats-Unis, Bachar al-Assad est «à la croisée des chemins. Il affirme depuis plus d'une décennie être un réformateur, mais il n'a pas fait de progrès important quant aux réformes politiques».

La diplomatie américaine a en outre annoncé que trois citoyens américains avaient été arrêtés ces derniers jours à Damas, l'un d'entre eux ayant ensuite été relâché.