La Syrie a décidé dimanche d'abroger la loi d'urgence en vigueur depuis près de 50 ans qui restreint les libertés publiques, et des renforts militaires ont pénétré dans la ville de Lattaquié, au lendemain d'accrochages meurtriers.

Dans un entretien donné à l'AFP après deux semaines de contestation du régime, la principale conseillère du président, Boussaïna Chaabane, a révélé que la décision d'abroger la loi d'urgence en vigueur depuis 1963 avait été prise, ajoutant: «je ne sais pas quand elle sera mise en application».

Aussitôt après l'abrogation de cette loi, «toutes les personnes arrêtées en vertu de cette loi seront libérées», a-t-elle précisé.

Cette loi impose des restrictions sur la liberté de réunion et de déplacement, et permet l'arrestation de «suspects ou de personnes menaçant la sécurité». Elle autorise aussi la surveillance des communications et le contrôle préalable des médias.

Le directeur de l'Observatoire syrien des droits de l'Homme Rami Abdelrahmane s'est félicité de la décision et estimé qu'environ 2000 personnes devraient être ainsi libérées, dont tous ceux qui ont été condamnés par la Haute Cour de sûreté de l'Etat ou sont détenus sans mandat d'arrêt dans des locaux des services de sécurité.

Des dizaines de contestataires ont été arrêtés lors des manifestations vendredi en Syrie, a d'autre part affirmé l'Observatoire basé à Londres, dans un communiqué listant de 41 noms.

Amnesty International a fait état pour sa part d'une liste de 93 personnes arrêtées au cours de ce mois de mars pour leurs activités sur internet.

Deux journalistes de Reuters Television couvrant les manifestations sont portés disparus en Syrie, a annoncé dimanche un responsable de l'agence de presse, dont le correspondant en Syrie s'est en outre vu retirer son accréditation.

Les médias syriens ont fait état de l'arrestation à Damas d'un ressortissant américain, présenté comme ayant incité à des protestations contre le pouvoir.

Le président Bachar al-Assad confronté à une contestation depuis deux semaines, devrait s'adresser «très bientôt» à la population, a par ailleurs annoncé Mme Chaabane.

Il doit «expliquer la situation et clarifier les réformes qu'il entend mener», a-t-elle précisé, citant notamment une loi sur le pluralisme des partis politiques et une loi plus libérale concernant la presse, qui feront «l'objet d'un débat public».

Sur le terrain, des renforts militaires sont entrés à Lattaquié, a indiqué la presse syrienne, pour déloger des insurgés qui tirent à partir de toits et de voitures contre les forces de sécurité et les passants.

Au total, depuis vendredi, dans cette cité multiconfessionnelle du littoral, 13 militaires et civils ainsi que deux insurgés ont été tués, a indiqué Mme Chaabane. Le journal gouvernemental Techrine a fait état de 150 blessés vendredi et samedi.

«Ce sont les fondamentalistes qui sont derrière les événements en raison de leur haine de la Syrie, qui est un exemple de coexistence, et leur principal objectif c'est justement de détruire cette coexistence», a accusé Mme Chaabane.

Lattaquié est habitée par des sunnites, des alaouites et des chrétiens.

Le quotidien Al-Watan affirme que «les voyous ne sont pas des Syriens et que leur nationalité sera dévoilée bientôt».

Mme Chaabane avait accusé samedi «certains réfugiés palestiniens du camp de Ramel, proche de Lattaquié, d'avoir voulu créer des dissensions confessionnelles, en tirant sur les forces de sécurité et sur les manifestants». Le secrétaire général du Front Populaire de Libération de la Palestine-Commandement général (FPLP-CG) a démenti.

Selon le New York Times, Washington a entamé des contacts en toute discrétion avec le président Assad pour le presser de mettre un terme aux violences contre la population.

«Il y a maintenant en Syrie un dirigeant différent, les nombreux membres du Congrès qui se sont rendus en Syrie au cours des derniers mois ont indiqué qu'ils pensaient qu'il était un réformateur», a pour sa part indiqué la secrétaire d'Etat, Hillary Clinton.