Il a fui la Syrie en 1976. Son père y a été torturé et emprisonné. Depuis, il lui est interdit d'entrer dans son pays d'origine. Samedi après-midi, Dhafir Borhan s'est joint à quelques dizaines d'autres Canadiens d'origine syrienne pour réclamer la fin du régime al-Assad.

Réunis au centre-ville de Montréal, coin Guy et Maisonneuve Ouest, les manifestants ont exprimé leur soutien au peuple syrien. Depuis le 15 mars dernier, le pays est le théâtre de manifestations sans précédent qui auraient fait une centaine de morts mercredi dernier. Les Syriens réclament le départ du président Bachar al-Assad qui a succédé à son père Hafez en juillet 2000. «Les gens manifestent pour leur liberté et le respect de leurs droits et l'armée les tue pour que leur voix ne soit pas entendue», s'indigne Baker Ahmed, un Canadien d'origine syrienne.

«Le monde était silencieux à propos de ce régime, remarque Dhafir Borhan. Les Syriens ont finalement dominé leur peur. Ils ont vu ce qui est arrivé en Tunisie et en Égypte et ils ont décidé qu'ils ne vivraient plus comme ça.»

Pour tenter d'apaiser la révolte, les responsables syriens ont libéré plus de 250 détenus politiques samedi. La levée de l'état d'urgence, instauré en 1963, et l'adoption de mesures anticorruption ont aussi été évoquées. Mais pour Dhafir Borhan, il est trop tard. Bachar al-Assad doit partir. «Il a eu 11 ans pour prendre des mesures, fait-il valoir. Pourquoi il ne l'a pas fait avant? Il a vu ce qui se passe avec l'OTAN et Kadhafi, il a eu peur et il a bougé.»

Marche de solidarité

À quelques rues de là, à l'intersection des rues Sainte-Catherine et Atwater, environ 200 membres de la communauté arabe ont répondu à l'appel lancé cette semaine par un regroupement d'associations et de centres communautaires. Ils ont marché jusqu'au consulat des États-Unis, situé sur la rue Saint-Alexandre, pour appuyer les mouvements de protestation qui ont cours dans plusieurs pays du monde arabe.

Tout en dénonçant les régimes saoudien, yéménite et libyen, beaucoup de manifestants ont braqué les projecteurs sur Bahreïn, un petit pays de 1,2 million d'habitants qui obtient moins d'attention médiatique que ses voisins.

«Ce qui se passe là-bas est une tragédie, martèle Mohammed Khairulla, un Bahreïnien d'origine. Depuis les années 70, ils ont tué des centaines de gens et en ont blessé des milliers. C'est un petit pays, il n'y a pas beaucoup de Bahreïniens à l'extérieur et le gouvernement profite de ça.»

Comme plusieurs manifestants rencontrés sur les lieux, Mohammed Khairulla ne souhaite pas une intervention armée de la communauté internationale pour mettre fin au régime monarchique de Hamad ibn Issa al Khalifa. Il réclame plutôt des pressions politiques. «Bahreïn est un cas particulier, note Mohammed Khairulla. Les États-Unis y ont une base militaire importante. La communauté internationale, particulièrement les États-Unis et la Grande-Bretagne, peut faire beaucoup à Bahreïn si elle exerce son influence sur le gouvernement.»

Les manifestants ont également réclamé une intervention du gouvernement canadien. «Quand on voit ce qui se passe en Libye, nous nous demandons pourquoi le gouvernement ne fait pas la même chose à Bahreïn et dans les autres pays, affirme Sukayna Merhi. Je n'appuie pas l'usage de la force, mais je pense que le gouvernement devrait faire des pressions politiques.»