Des manifestants anti-gouvernementaux syriens ont incendié les locaux du parti Baas au pouvoir à Tafas (sud) et à Lattaquieh (centre), brûlant des pneus et attaquant voitures et magasins dans cette ville portuaire de la Méditerranée, ont rapporté témoins, militants et autorités locales.

À Tafas, à dix kilomètres au nord de Deraa, la ville d'où est parti, il y a un peu plus d'une semaine, le mouvement de contestation syrien, les manifestants ont attaqué un commissariat de police et les locaux du parti Baas, a rapporté la conseillère présidentielle Boussaïna Shaaban.

À Lattaquieh, des dizaines de personnes ont manifesté avant de s'en prendre aux bureaux du Baas, a annoncé Ammar Qurabi, dirigeant de l'Organisation nationale syrienne pour les droits de l'homme, exilé en Égypte.

Des centaines de personnes y manifestent, aux cris de «liberté!», depuis vendredi soir. Un habitant disait entendre des coups de feu samedi soir, mais sans pouvoir dire d'où venaient les tirs. Selon Mme Shaaban, un «groupe armé a investi certains toits de la ville et tire au hasard sur les passants. Elle a évoqué des Palestiniens armés venus d'un camp de réfugiés. «Ce ne sont pas des manifestations pacifiques réclamant l'accélération des réformes (...) ce qui se passe aujourd'hui en Syrie est une tentative de semer des troubles publics«, a-t-elle déclaré à la presse à Damas.

Au lendemain de nouvelles violences dans le pays, les autorités syriennes ont relâché samedi 260 prisonniers politiques, a annoncé par ailleurs Abdul-Karim Rihaoui, qui dirige la Ligue syrienne des droits de l'Homme. La plupart de ces détenus étaient incarcérés à Saïdnaya, dans la banlieue de Damas, où les prisonniers politiques sont en général écroués, a-t-il ajouté.

La Syrie a relâché de nombreux prisonniers au cours de la semaine écoulée pour apaiser les contestataires et contenir la colère suscitée par la répression violente des manifestations. Mais des dizaines de personnes auraient en revanche été interpellées cette semaine.

Selon Abdul-Karim Riahoui, la plupart des détenus libérés étaient des islamistes, ainsi que 14 militants kurdes. Il a évoqué un «pas positif» et exhorté les autorités à libérer tous les prisonniers politiques du pays. Ces libérations n'ont pas été confirmées de sources officielles.

À Deraa, pendant ce temps, les forces de l'ordre se sont repliées en périphérie de la ville, selon un habitant contacté par téléphone. Plus d'un millier de personnes y étaient rassemblées pour un sit-in silencieux à la mosquée al-Omari, coeur du mouvement, utilisé comme hôpital de fortune et refuge par les manifestants. Chassés par un assaut gouvernemental mercredi, les manifestants en ont repris le contrôle vendredi.

Samedi matin, des militants syriens rapportaient qu'environ 200 manifestants avaient été arrêtés dans la nuit de vendredi à samedi alors qu'ils participaient à un sit-in près de Damas.

D'après ces militants, qui ont réclamé l'anonymat par crainte de représailles, environ 4000 protestataires étaient rassemblés à Douma vendredi soir lorsque, vers minuit, l'électricité a été coupée et les forces de l'ordre sont intervenues, arrêtant quelque 200 participants au sit-in.

Samedi, à Sanameïn, ont eu lieu les obsèques de sept personnes tuées dans le village alors qu'elles tentaient d'aller manifester à Deraa, la ville voisine. Les cortèges funèbres se sont déroulés dans le calme.

De son côté, la télévision d'État syrienne présentait les violences de vendredi comme des affrontements graves entre les forces de la sécurité d'État et des gangs armés. Elle a fait état de la mort de deux personnes dans des confrontations à Lattaquieh, sur la côte, au cours desquelles 100 personnes auraient aussi été blessées, dont 80 policiers. La chaîne officielle n'a pas fourni de précisions.

D'après Ammar Kourabi, quatre personnes ont été tuées à Lattaquieh lorsque les forces de l'ordre ont ouvert le feu vendredi sur les manifestants. M. Kourabi a gagné l'Égypte lorsque l'agitation antigouvernementale a commencé en Syrie il y a une semaine. Il reste en contact avec des militants sur le terrain, à Lattaquieh et dans d'autres villes syriennes. Mais les informations qu'il a données sur l'attaque des bureaux du parti Baas samedi et sur les quatre morts de vendredi ne pouvaient pas être confirmées par une autre source dans l'immédiat.

Le fait que les manifestations aient gagné Lattaquieh est important, la ville étant pour moitié peuplée de sunnites et pour moitié d'Alaouites, cette branche minoritaire de l'Islam chiite, qui ne représente que 10% de la population syrienne mais qui tient les leviers du pouvoir.

Vendredi, les forces de sécurité ont ouvert le feu sur les manifestants dans plusieurs villes du pays, faisant plusieurs victimes, alors que des affrontements ont opposé, dans les rues de Damas, opposants et partisans du régime. La répression des manifestations de vendredi aurait fait au moins 15 morts dans six localités, selon les militants des droits de l'Homme et les témoins sur place.