Les frappes aériennes de la coalition contre les troupes pro-Kadhafi stationnées à Ajdabiya ont ragaillardi les insurgés. «Nous reprendrons (cette ville) dans un jour ou deux», s'est réjoui hier un porte-parole des rebelles. [NDLR, la ville a été reprise depuis] Les bombardements des alliés permettront-ils de renverser le cours de cette guerre?

Vers 15 h, hier, une centaine d'insurgés armés de mitraillettes et de fusils d'assaut ont réussi à pénétrer à l'intérieur d'Ajdabiya et à faire rouler leurs camionnettes jusqu'au centre-ville.

Ils y ont été accueillis par les cris de joie des rares habitants qui n'ont pas fui cette ville où la guerre fait rage depuis une dizaine de jours. Mais ils étaient aussi attendus par des tireurs embusqués pro-Kadhafi, qui les ont arrosés de balles.

Une de ces balles a traversé la cuisse gauche d'Abdul Aziz, un étudiant de 22 ans qui n'avait jamais touché à une arme avant le soulèvement du 17 février. Abdul Aziz est arrivé en ambulance à l'hôpital Hawari, à Benghazi, en début de soirée. Il grimaçait de douleur pendant que les médecins nettoyaient sa plaie. Mais dès que la douleur s'estompait, il recommençait à sourire.

«Nous avons remonté le boulevard Tripoli en une quinzaine de minutes, les troupes de Kadhafi ont reculé devant nous, ça s'est passé très rapidement», a-t-il raconté après avoir reçu les premiers soins.

C'était la première fois que les insurgés réussissaient une telle percée depuis que les soldats du régime les ont chassés d'Ajdabiya, cette ville d'environ 200 000 habitants située à 160 km au sud de Benghazi.

Nouvelle avancée vers l'ouest?

Même si le centre-ville d'Ajdabiya est encore rempli de tireurs embusqués, pour Abdul Aziz, ce n'est qu'un début: il est convaincu que cette ville retombera bientôt entre les mains des opposants. Et que les insurgés pourront alors reprendre leur avancée vers l'ouest. Jusqu'à Tripoli.

La bataille d'Ajdabiya est-elle vraiment en train de tourner en faveur des insurgés? Hier soir, l'information en provenance de cette ville n'était pas claire. Dans la nuit de jeudi à hier, les alliés ont pilonné les troupes pro-Kadhafi qui gardaient l'entrée ouest de la ville. Ces positions sont tombées, assure Issam Ghariana, porte-parole du Conseil révolutionnaire provisoire, qui tient lieu de gouvernement à Benghazi.

Hier après-midi, il y a eu d'autres frappes alliées du côté est de la ville. Selon des témoignages, encouragés, des insurgés se seraient alors lancés à l'assaut des «kadhafistes» - pour recevoir une pluie d'obus qui les a forcés à reculer.

Ce qui est certain, c'est que les rebelles ont été ragaillardis par ces frappes et misent sur elles pour renverser la vapeur. «Dans un jour ou deux, nous reprendrons Ajdabiya», se réjouissait hier Issam Ghariana, lors de la rencontre de presse quotidienne au centre des médias, sur la corniche de Benghazi.

La bataille d'Ajdabiya est importante pour plusieurs raisons. Des dizaines de milliers de personnes ont fui cette ville, privée d'eau et d'électricité, et coupée de toute communication. La vie y est devenue impossible, selon un autre combattant rebelle, Mohamed Abdel Hamid, qui a été blessé au bras et à la jambe il y a trois jours.

«Tout ce qu'il nous restait à manger, c'était du lait et des dattes», raconte-t-il.

Un test

Mais au-delà de la situation humanitaire, la bataille d'Ajdabiya est aussi un test pour la coalition internationale, qui s'est engagée à protéger les civils libyens contre leur dictateur. Après avoir réussi à stopper les troupes de Kadhafi aux portes de Benghazi, chef-lieu de la rébellion libyenne, l'intervention étrangère permettra-t-elle maintenant aux insurgés de regagner des villes qu'ils avaient brièvement détenues après le soulèvement du 17 février?

Autrement dit, les frappes aériennes permettront-elles non seulement de protéger les civils, mais aussi de renverser le cours de cette guerre - et, éventuellement, de faire tomber de son trône le «roi des rois d'Afrique» ?

Déjà, Abdul Aziz est convaincu que les frappes ont affaibli les troupes de Kadhafi et ont aidé son contingent à atteindre le centre de la ville, hier. Les insurgés, pour la plupart sans formation militaire, n'ont pas besoin de grand-chose pour repartir au combat. Ils n'ont même pas de véritables commandants, explique Abdul Aziz. «Nous voyons un espace vide, nous nous consultons, et nous fonçons.»

Au moment d'écrire ces lignes, il semble que seule l'entrée est de la ville soit encore contrôlée par les tanks et les soldats du régime. Selon plusieurs porte-parole rebelles, ces soldats ont commencé à négocier leur reddition. Mais ces négociations se sont arrêtées parce qu'ils refusaient de rendre les armes.

Encouragé par son entrée triomphale au coeur d'Ajdabiya, Abdul Aziz a quant à lui hâte de reprendre sa mitraillette. À peine une heure après être arrivé en ambulance à l'hôpital, il suppliait les médecins de le laisser repartir.