Au moins 15 personnes ont été tuées mercredi à Deraa, noyau de la contestation contre le pouvoir en Syrie qui a débordé dans des villes voisines malgré un déploiement massif de l'armée et des forces anti-émeutes, selon des militants des droits de l'Homme.

Les autorités ont imputé les heurts à un «gang armé», l'accusant d'avoir tué quatre personnes et «d'emmagasiner des armes dans la mosquée» al-Omari à Deraa, une ville tribale à 120 km au sud de Damas en proie à des protestations sans précédent depuis le 18 mars.

Elles ont néanmoins limogé le gouverneur de Deraa, Fayçal Khaltoum, l'une des mesures exigées par les manifestants qui défient l'état d'urgence en vigueur dans le pays depuis 1963.

Les protestations violemment réprimées ont fait au total 21 morts, plus de cent blessés et des dizaines d'arrestations dans un pays gouverné d'une main de fer depuis 40 ans par le régime baassiste où la moindre velléité démocratique est immédiatement matée.

Les Etats-Unis se sont déclarés «alarmés» par «la violence et les arrestations arbitraires», alors que le chef de l'ONU Ban Ki-moon a condamné la violence contre «des manifestants pacifiques».

Le président Bachar al-Assad, arrivé au pouvoir en 2000 après le décès de son père, n'est pas intervenu publiquement depuis le début des manifestations lancées le 15 mars à Damas.

Les nouveaux heurts à Deraa ont éclaté avant l'aube. Neuf manifestants, dont deux femmes, un enfant et un médecin, ont été tués et des dizaines blessés près de la mosquée al-Omari, devenue le point de ralliement des protestataires, selon des militants des droits de l'Homme.

«Les forces de l'ordre ont tiré à balles réelles et lancé des gaz lacrymogènes sur les manifestants», a affirmé l'un d'eux.

Plus tard, six personnes, dont une fillette de 11 ans atteinte d'une balle perdue, ont été tuées lors de funérailles des victimes des violences nocturnes, a indiqué un autre militant.

«Des balles réelles ont été tirées alors que les parents des victimes ainsi que des manifestants revenaient de l'enterrement», a-t-il dit.

Parallèlement, des échanges de tirs ont eu lieu entre forces de sécurité et protestataires autour de la mosquée al-Omari, selon un journaliste de l'AFP qui a vu deux morts transportés à l'hôpital. L'un était touché d'une balle à la tête et l'autre avait le corps ensanglanté. Les circonstances exactes de leur décès n'étaient cependant pas connues.

Les autorités ont dénoncé «des parties étrangères qui continuent de propager des mensonges sur Deraa» et affirmé que des messages SMS, envoyés pour la plupart d'Israël, appellent les Syriens à provoquer des troubles.

En fin d'après-midi, les rues étaient désertes et la plupart des boutiques fermées à Deraa, encerclée par l'armée et les forces anti-émeutes.

Toutes les entrées de la ville ont été bloquées et les véhicules autorisés à y entrer devaient passer deux barrages tenus par des membres des services de renseignements armés habillés en civil.

Mais les protestations ont touché les villes voisines. Des habitants de Dahel, à 25 km plus au nord, ont fait état de victimes lors de manifestations contre le régime, alors que plus de 2.000 personnes ont défilé dans la ville proche de Kharra selon un militant.

Il n'était pas possible de confirmer ces informations.

Un mouvement de contestation sans précédent a débuté le 15 mars en Syrie à la suite d'un appel via une page Facebook intitulée «la révolution syrienne contre Bachar al-Assad 2011», à des manifestations pour «une Syrie sans tyrannie, sans loi d'urgence ni tribunaux d'exception».

De petites manifestations ont été dispersées depuis le 15 mars dans la capitale, puis le mouvement s'est étendu au Sud.

Les inégalités se sont accentuées en Syrie, la pauvreté touchant 14% des 22 millions de Syriens. Le taux de chômage, qui frappe particulièrement les jeunes, est évalué par des experts à 22%.