Depuis le 14 janvier, les affaires étaient mauvaises pour Shili Aharakati. La révolution tunisienne ayant fait fuir les touristes étrangers, son luxueux hôtel de Zarzis, au bord de la Méditerranée, était presque désert. Mais une autre révolution, libyenne celle-là, vient de lui procurer une clientèle nouveau genre.

Une clientèle hétéroclite au possible. Ce sont d'abord des journalistes qui ont débarqué en masse, au cours des derniers jours, à l'hôtel Odyssée. Washington Post, BBC, Globe and Mail, France 2... ils sont tous là pour couvrir les événements à la frontière libyenne, à environ une heure de route. En attendant, bien sûr, la chute du régime de Mouammar Kadhafi, qui leur permettrait d'entrer en Libye et de filer vers la capitale, Tripoli.

Pendant que les reporters de guerre échafaudent leurs plans, des familles françaises en vacances d'hiver prennent leur petit-déjeuner, un peu intimidées par tout ce branle-bas. «Nous sommes au coeur de l'actualité, s'étonne Agnès Sanguy, de Versailles. Quand nous sommes arrivés il y a 10 jours, nous étions presque les seuls touristes.»

Il y a quelques jours, un autre type de clientèle a envahi l'hôtel. Des centaines de travailleurs chinois évacués d'urgence de la Libye ont posé leurs valises, exténués, dans l'établissement quatre étoiles. Parmi eux, Ruthia Zou, employée d'une firme d'ingénierie à Zawiyah, à 60 kilomètres à l'ouest de Tripoli. «Nous avions très peur. Nous pouvions entendre le bruit des balles et des bombes. La nuit, nous ne pouvions pas dormir», raconte-t-elle.

Ils ont loué des autobus pour se rendre à la frontière. Dans les territoires contrôlés par les opposants de Kadhafi, un convoi d'hommes armés leur a ouvert la route.

Des touristes, des reporters et des Chinois dans un tout inclus au bord de la mer? Pourquoi pas, dit M. Aharakati, gérant. «Pour nous, les Tunisiens, 2011 est une année exceptionnelle. Ce qu'on a vécu jusqu'ici, on ne l'attendait pas. Aujourd'hui, tout peut arriver. Même des Chinois dans une station balnéaire à Zarzis.»