Lorsque les hommes des milices de Mouammar Kadhafi ont fui Benghazi, deuxième ville du pays à présent contrôlée par l'opposition, ils se sont dirigés vers l'ouest. Mais arrivés à Brega, ils se sont heurtés à la population sur le qui-vive.

Les membres des milices pro-Kadhafi ont tenté de forcer le passage aux points de contrôle, mais les habitants de Brega, une petite ville située à 200 km à l'ouest de Benghazi, ont réussi à les capturer.

La population de Brega attend à présent de pied ferme l'arrivée d'autres miliciens. Deux jeunes gens montent la garde à un point de contrôle près de l'entrée d'une grande installation pétrolière.

Othman al-Baga, 26 ans, sans emploi, raconte que les habitants ont appris que des miliciens avaient l'intention de gagner Brega à partir de Ras Lanouf, située à une centaine de kilomètres à l'ouest.

«Ils peuvent venir à n'importe quel moment», déclare le père d'un des jeunes gens, appuyé sur une mitrailleuse saisie chez les miliciens.

«Nous les tuerons. Ce n'est pas un problème si nous mourons. Ce qui est important, c'est que nous ne voulons pas que Kadhafi revienne», ajoute-t-il.

Des habitants de Brega disent avoir rencontré des unités de reconnaissance loyales au dirigeant libyen sur la route près de Ras Lanouf, et aussi plus à l'ouest en direction de Sirte où le colonel Kadhafi serait né dans une tente de bédouin dans le désert en 1942.

Mais il est difficile de faire le tri entre les rumeurs et les faits.

Paul Stealey, un instructeur anglophone qui vit avec son épouse à l'intérieur du complexe de la Sirte Oil Company (SIT), un groupe d'hydrocarbures libyen, indique qu'une trentaine de travailleurs serbes sont arrivés sains et saufs à Ras Lanouf. «Ils disent qu'il n'y a pas de problèmes là-bas. Ils attendent d'être évacués» du pays, dit-il.

«Nous entendons ces rumeurs depuis quatre jours», ajoute-t-il à propos des bruits concernant une possible contre-attaque venant de l'ouest.

Personne ne peut savoir ce qu'entreprendra Mouammar Kadhafi, claquemuré dans son bastion à Tripoli. Mais de nombreux habitants de Brega sont persuadés que l'homme fort de la Libye, qui s'est maintenu au pouvoir pendant presque 42 ans, ne s'enfuira jamais et ne renoncera pas à ses fonctions, comme l'ont fait les dirigeants tunisien Zine el-Abidine Ben Ali et égyptien Hosni Moubarak.

«Il se suicidera plutôt, comme Hitler. Il mettra le pays à feu et à sang», affirme un habitant de Benghazi après le discours prononcé vendredi soir par le colonel Kadhafi devant des centaines de partisans à Tripoli.

Ahmed Jerksi, un responsable de la Sirte Oil Company, qui dépend de la compagnie d'Etat National Oil Corporation (NOC) dont le siège est dans la capitale, indique que personne ne sait à quoi s'attendre, bien que les communications avec Tripoli soient maintenues.

Les installations de Sirte sont à présent gardées par d'anciens soldats qui se sont ralliés à la cause des rebelles.

«Personne ne sait ce qui se passe», dit-il, à propos des informations en provenance de la NOC.

La compagnie pompe toujours du gaz et des navires attendent dans le port pour charger les cargaisons de methanol produit dans le complexe. Mais les pétroliers ne viennent pas.

Lundi, tous les employés de la compagnie qui n'ont pas été évacués retourneront à leur travail et les écoles seront ouvertes, assure M. Jerksi.

«Tout reviendra à la normale», ajoute-t-il.