Les manifestations qui embrasent la Libye depuis 10 jours sont le résultat d'une manipulation de la jeunesse orchestrée par nul autre qu'Oussama ben Laden, a estimé hier le dirigeant libyen Mouammar Kadhafi dans un message audio diffusé hier à la radio.

Pour la troisième fois depuis le début de la semaine, le dictateur a tenu des propos confus alors que son pouvoir vacille sous le poids des contestations et des répressions sanglantes.

Dans un monologue d'une vingtaine de minutes, Kadhafi s'est adressé plus particulièrement aux habitants de la ville de Zawiyah, à 60 km de Tripoli, où, selon l'agence officielle Jana, des « terroristes « ont égorgé plusieurs soldats à la façon de l'ancien chef terroriste d'Al-Qaïda en Irak, Abou Moussab Al-Zarqaoui. « Ces gens n'ont pas de vraies revendications, leurs revendications sont celles de ben Laden «, croit-il.

La figure de proue d'Al-Qaïda manipule les jeunes Libyens en leur donnant des drogues hallucinogènes, soutient Kadhafi. « Ben Laden leur a complètement lavé le cerveau «, dit-il, avant de demander aux parents de garder un oeil sur leurs enfants : « Prenez vos jeunes, ramenez-les à la maison. « Une fois encore, Kadhafi, qui détient le pouvoir depuis 1969, a réexpliqué que sa démission est impossible. « Je n'ai pas le pouvoir de faire des lois ou de faire appliquer la loi. La reine d'Angleterre n'a pas cette autorité. C'est exactement mon cas. Je suis un leader symbolique», illustre-t-il.

Répression dans le sang

Si, mardi, Kadhafi avait promis de réprimer les manifestations dans le sang, il semble avoir tenu parole. Des membres des comités révolutionnaires du «guide» ont participé à des exécutions sommaires dans les hôpitaux de Tripoli, a dit hier le secrétaire général de la Ligue libyenne des droits de l'homme. « Ils ont fait irruption dans les hôpitaux de Tripoli et ont tué des blessés qui avaient manifesté contre le régime «, a-t-il déclaré à l'AFP.

À Benghazi, ville d'un million de personnes libérée du joug de Kadhafi, la répression a été sanglante. Les salles de l'hôpital Al-Jalla sont remplies de blessés graves, selon le journaliste de Libération Jean-Pierre Perrin. La foule a été visée par des missiles antiaériens. « Parmi les choses les plus monstrueuses à voir, ce sont les corps calcinés de 14 soldats qui ont refusé de tirer sur la foule et qui ont été tués d'une balle dans la tête ou brûlés vifs «, dit-il dans un reportage audio. Selon le magazine Le Point, 2000 personnes ont été tuées à Benghazi seulement au cours des quatre jours d'affrontements.

Kadhafi isolé

Condamné par les pays occidentaux, isolé à Tripoli alors que des villes se libèrent (Tobrouk, Benghazi), perdant le soutien des tribus -alliées essentielles pour le pouvoir-, le régime Kadhafi vit ses dernières heures, croient plusieurs observateurs. Son ancien ministre de la Justice a dit à la presse suédoise que le dictateur libyen se suiciderait très certainement comme Hitler. Une possibilité jugée peu probable par Guma el-Gamaty, militant libyen installé à Londres, qui croit plutôt que Kadhafi se réfugiera chez « son ami « Robert Mugabe. « Qu'il s'envole, se suicide ou soit arrêté, je crois qu'il est foutu et que sa fin est imminente «, a-t-il affirmé à la télévision publique australienne.

Entre-temps, sur le front diplomatique, les États-Unis ont durci le ton contre le colonel Kadhafi et consulté leurs alliés afin de trouver une réponse à la crise libyenne.

Washington souhaite l'expulsion de la Libye du Conseil des droits de l'homme de l'ONU pour sanctionner les violences dans ce pays, a indiqué le département d'État. Cette décision qui doit être débattue aujourd'hui à Genève est la première mesure concrète de rétorsion soutenue par l'administration Obama.