Alors que la situation continue de s'enflammer en Libye, où le soulèvement populaire est sévèrement puni par le régime au pouvoir, le Canada procède à l'évacuation de ses citoyens.

Un premier groupe d'une vingtaine de ressortissants canadiens a quitté la Libye mercredi, à bord d'un navire américain à destination de l'île de Malte.

Et un premier vol nolisé par le Canada ramènera par ailleurs à son bord quelque 200 citoyens, jeudi, vers Rome.

Le ministère des Affaires étrangères a confirmé, mercredi, avoir obtenu les droits d'atterrissage à Tripoli et un premier avion pourrait ainsi récupérer des ressortissants canadiens dans le pays d'Afrique du Nord, qui est le théâtre de violences depuis quelques jours.

Un deuxième vol est prévu vendredi, comptant lui aussi une capacité de 220 places. Ce second avion fera escale dans l'est du pays, à Benghazi.

La deuxième ville en importance du pays serait maintenant aux mains des opposants, tandis que le gouvernement du colonel Mouammar Kadhafi tente tant bien que mal de conserver l'emprise sur la capitale, Tripoli.

Comme ce fut le cas suite aux soulèvements populaires en Égypte, le Canada collaborera en outre avec ses alliés français, britannique, australien et néo-zélandais pour partager les avions et navires disponibles pour leurs ressortissants. Des Canadiens pourraient donc avoir l'occasion de quitter plus rapidement entre-temps.

Le directeur des communications du premier ministre Stephen Harper a ainsi indiqué mercredi, par l'entremise de Twitter, qu'un premier contingent de 26 Canadiens avaient quitté Tripoli par bateau, accompagnés notamment de Français, de Britanniques et d'Américains.

Le ministre canadien des Affaires étrangères, Lawrence Cannon, avait annoncé mardi qu'Ottawa procèderait finalement à l'évacuation de ses citoyens en Libye.

Le Canada compte 344 ressortissants enregistrés, mais ils pourraient être plus nombreux en sol libyen. Jusqu'à présent, plus de 160 d'entre eux auraient indiqué aux autorités canadiennes vouloir quitter la Libye.

Les Canadiens et leur famille immédiate qui possèdent les documents d'identification nécessaires devront se présenter à l'aéroport de Tripoli avant midi, jeudi, et ne pourront transporter qu'un seul bagage. Ils devront défrayer les frais de transport de 500 $. L'ambassade canadienne leur demande également d'apporter l'eau et la nourriture nécessaires à leur voyage.

Les ressortissants pourront quitter la Libye sans visa de sortie.

L'ambassade canadienne à Tripoli invite par ailleurs les Canadiens qui désirent y rester à faire preuve de prudence, particulièrement dans l'est du pays.

La Libye est le théâtre d'importants soulèvements populaires réclamant la fin du règne du colonel Mouammar Kadhafi, au pouvoir depuis plus de 40 ans. Le régime a répliqué en déclenchant une répression sanglante.

Les appuis au pouvoir de M. Kadhafi semblent cependant s'effriter. À Ottawa, un agent diplomatique de l'ambassade libyenne aurait offert sa démission, selon certains médias, emboîtant ainsi le pas à d'autres diplomates et ambassadeurs dans le monde qui ont quitté leur poste en guise de protestation contre le régime Kadhafi.

Certains membres des forces de l'ordre libyennes se sont aussi élevés contre le gouvernement, refusant d'avoir recours à la force contre leurs concitoyens.

La communauté internationale a en outre dénoncé à l'unanimité les violences commises contre les manifestants en Libye.

Mais pour l'instant, aucune sanction n'a été décidée contre le pays nord-africain -l'un des plus gros producteurs mondiaux de pétrole.

Le ministre canadien des Affaires étrangères mène présentement des discussions avec ses homologues du G8.

Les États-Unis et l'Union européenne (UE) ont tous deux indiqué, mercredi, envisager imposer des sanctions à la Libye, l'UE qualifiant la répression de possible «crime contre l'humanité».

Les Nations unies étudieraient par ailleurs la possibilité d'imposer une zone d'interdiction de vol au-dessus du territoire libyen, afin de protéger les civils des attaques perpétrées par des avions du gouvernement.

La répression sanglante aurait fait quelque 300 morts au pays, selon l'organisation Human Rights Watch, tandis que d'autres font état d'un nombre beaucoup plus élevé.

Des milliers d'étrangers ont fui la Libye, mercredi, alors que plus d'une douzaine de pays ont procédé à l'évacuation de leurs ressortissants.

Paul Martin réclame une intervention de l'ONU

L'ancien premier ministre canadien Paul Martin souhaite une intervention des Nations unies en Libye, et reconnaît du même souffle que les tentatives de rapprochement entre les pays occidentaux et le régime Kadhafi ont échoué.

Dans une entrevue téléphonique accordée à La Presse Canadienne, M. Martin a estimé mercredi que la situation à Tripoli et ailleurs en Libye exige la mise en oeuvre par l'Organisation des nations unies (ONU) du principe de «responsabilité de protéger» les populations.

Ce principe oblige les États à protéger leurs citoyens contre les génocides, les crimes de guerre, l'épuration ethnique et les crimes contre l'humanité. Si les gouvernements nationaux n'assurent pas cette protection, le Conseil de sécurité de l'ONU peut imposer des sanctions pouvant aller jusqu'à l'intervention militaire.

Paul Martin estime qu'il faut que la communauté internationale s'occupe dès maintenant du peuple libyen, afin de le protéger des actions de Mouammar Kadhafi, qu'il a qualifiées d'«ignobles».

En 2004, Paul Martin était l'un des nombreux dirigeants occidentaux à se rendre en Libye, après que Mouammar Kadhafi se soit engagé à cesser d'appuyer le terrorisme international et à ne plus tenter d'acquérir des armes de destruction massive.

Selon l'ancien premier ministre, cette initiative était importante à l'époque, mais l'espoir de voir apparaître des changements a été vain.

«Il y avait de l'espoir à l'époque», s'est-il rappelé. «Mais ce qui s'est passé au cours des derniers jours a certainement gâché tout cela.»

Le principe de la «responsabilité de protéger» a été défendu par le Canada, il y a une décennie. Il a été officiellement adopté en 2005, notamment en réaction au génocide rwandais.