Les pays européens réfléchissent à l'évacuation de leurs citoyens de Libye face au risque croissant de guerre civile dans le pays, mais restent divisés entre partisans de la fermeté et de la prudence à l'égard de Mouammar Kadhafi.

«Nous sommes extrêmement préoccupés, nous coordonnons l'évacuation éventuelle des citoyens de l'Union européenne de Libye, en particulier de Benghazi», a déclaré lundi la ministre espagnole des Affaires étrangères, Trinidad Jimenez, en marge d'une réunion avec ses homologues européens à Bruxelles, entamée dimanche soir.

Une réunion de représentants consulaires européens à Tripoli a eu lieu dans la journée sur le sujet et une téléconférence des centres de crise des différents pays était en cours dans l'après-midi, selon des diplomates.

Les violences pendant les manifestations en Libye contre Mouammar Kadhafi ont fait au moins 233 morts depuis le début du mouvement, dont 60 pour la seule journée de dimanche à Benghazi, fief de la contestation, selon une ONG.

Le Portugal a annoncé l'envoi d'un avion militaire C-130 à Tripoli pour rapatrier ses ressortissants et des citoyens d'autres pays de l'Union européenne, au lendemain d'une initiative similaire de l'Autriche sur l'île de Malte.

«Nous allons examiner la nécessité d'une évacuation avec l'évolution de la situation» sur le terrain, a souligné le ministre britannique des Affaires étrangères, William Hague.

Sans voir de «menaces directes» à l'encontre des 750 Français en Libye, le ministre français des Affaires européennes, Laurent Wauquiez, a indiqué que son ambassade s'efforçait d'aider ceux qui souhaitent partir.

Les ministres européens des Affaires étrangères se sont réunis à Bruxelles pour définir leur réponse face au vent de révolte qui secoue le Maghreb et le Moyen-Orient, ainsi que pour parler de l'aide à apporter pour favoriser la transition démocratique de ces pays.

Après les révolutions en Tunisie et en Egypte - où le chef de la diplomatie européenne Catherine Ashton fait une visite mardi dans la foulée de celle du Premier ministre britannique David Cameron - l'Europe est confrontée au troisième grand soulèvement populaire à sa porte contre un régime autoritaire de la rive méridionale de la Méditerranée.

Le ministre allemand des Affaires européennes, Werner Hoyer, a parlé d'«un mouvement tectonique qui va nous occuper encore longtemps» en Europe.

Le message de l'UE est toutefois quelque peu brouillé par des divergences d'approches.

La plupart des pays membres ont condamné avec force la répression des manifestations en Libye et appelé le colonel Kadhafi à répondre aux droits «légitimes» de la population.

Mais l'Italie, préoccupée surtout par un afflux d'immigrés clandestins de la rive Sud de la Méditerranée vers ses côtes, et l'île de Lampedusa, est plus en retrait.

«Nous ne devrions pas donner la mauvaise impression que nous exportons notre démocratie. Nous devons aider et soutenir la réconciliation pacifique», a souligné lundi son ministre des Affaires étrangères, Franco Frattini.

Exprimant un point de vue similaire, son homologue tchèque Karel Schwarzenberg a mis en garde contre les «catastrophes» qu'entraînerait une chute du colonel Mouammar Kadhafi.

Au-delà, l'UE a entrepris lundi une refonte de sa politique d'aide aux pays arabes, en la conditionnant beaucoup plus à l'avenir aux progrès de la démocratie. Les pays du Sud de l'Europe réclament aussi que la priorité en matière de soutien financier soit donnée plus clairement aux pays arabes.

«La France a plaidé pour que les moyens soient augmentés et que les priorités soient redéfinies», a dit M. Wauquiez.