Les entreprises étrangères présentes en Libye, en particulier dans le pétrole, ont commencé lundi à rapatrier leurs salariés, en raison des violences dans le pays qui ont entraîné par ailleurs une chute en Bourse des groupes italiens, aux liens étroits avec Tripoli.

Quatrième producteur de pétrole en Afrique avec près de 1,8 million de barils par jour, la Libye a vu affluer ces dernières années les grandes compagnies pétrolières occidentales après vingt ans de mise à l'écart.

L'italien ENI, qui revendique la place de premier producteur étranger dans le pays, avec 244 000 barils par jour en 2009, a entamé l'évacuation de son personnel «non essentiel» ainsi que des familles des salariés.

Les violences n'ont pas eu d'effet sur sa production, mais ENI va tout de même renforcer ses «mesures de sécurité».

Le britannique BP a indiqué de son côté qu'il se préparait à évacuer dans les 48 heures une partie de son personnel, ce qui allait entraîner la suspension de forages en préparation dans la région de Ghadamès (ouest).

Toujours dans le pétrole, la compagnie norvégienne Statoil et les allemandes Wintershall et RWE Dea, filiale pétrole et gaz du groupe d'énergie RWE, ont également procédé à l'évacuation de leurs expatriés.

Un porte-parole du français Total s'est contenté d'indiquer que «toutes les dispositions sont prises pour assurer la sécurité des employés».

Conséquence directe de la situation, le prix du baril a bondi au-dessus de 105 dollars à Londres, un niveau plus vu depuis fin septembre 2008.

Les violences, dont le bilan a atteint 233 morts selon Human Rights Watch, ont atteint la capitale Tripoli. Seïf Al-Islam, le fils du leader contesté Mouammar Khadafi, a brandi la menace d'un bain de sang.

Lundi, un chantier de construction sud-coréen près de Tripoli a été envahi et pillé, faisant des blessés parmi les salariés, selon le ministère sud-coréen des Affaires étrangères qui a précisé que d'autres attaques avaient eu lieu ces derniers jours contre des intérêts sud-coréens.

Dans d'autres secteurs, le groupe italien d'aéronautique et de défense Finmeccanica a rapatrié ses salariés expatriés, qui étaient «moins de dix», tout comme le géant industriel allemand Siemens, qui emploie 100 personnes sur place dont une majorité d'expatriés.

Le groupe italien de BTP Impregilo évalue la situation. Son concurrent français Vinci fait de même. Pékin a demandé aux entreprises chinoises de prendre leurs précautions.

Alors que les liens économiques entre Rome et Tripoli sont étroits, les violences faisaient chuter la Bourse de Milan de 2,77% vers 14H30 GMT; l'addition était particulièrement salée pour les groupes liés à la Libye.

Impregilo s'effondrait de 5,69% à 2,322 euros tandis qu'ENI chutait de 4,84% à 17,48 euros.

La banque UniCredit, dont la Libye est le premier actionnaire avec 7,582% du capital, reculait de son côté de 4,54% à 1,893 euro et Finmeccanica, dont Tripoli détient une part de 2,01%, lâchait 2% à 9,295 euros.

En 2009, l'Italie a été le premier exportateur en Libye avec une part de marché de 17,5%.

Les liens économiques entre les deux pays se sont resserrés en 2008 avec la signature d'un accord historique visant à normaliser leurs relations dans le cadre duquel Rome s'est engagé à verser cinq milliards de dollars sur 25 ans à Tripoli au titre de dédommagements pour la période coloniale.

Les entreprises italiennes ont depuis obtenu de nombreux contrats en Libye tandis que Tripoli, qui était déjà présente dans le capital d'entreprises italiennes, s'est renforcé grâce à ses «pétrodollars». Sa montée dans UniCredit l'été dernier avait provoqué une grave crise qui a abouti à l'éviction du patron Alessandro Profumo par les actionnaires.